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BUIS [bɥi]
n. m.

  

If du Canada (Taxus canadensis, fam. des taxacées), petit conifère rampant ressemblant au sapin, dont les colonies peuplent les forêts de l’est de l’Amérique du Nord et qui produit un fruit rouge charnu contenant une graine réputée toxique.

 Branche, écorce de ce conifère, dont on fait des décoctions en médecine populaire pour soigner ou soulager diverses affections (rhume, rhumatisme, etc.); cette décoction.

Rem.1. De nos jours, le mot paraît usité surtout par les ruraux et les forestiers; en Acadie, on emploie plutôt sapin traînard. Des spécialistes comme le frère Marie‑Victorin et l’abbé L. Provancher donnent également buis de sapin comme autre nom de l’if, mais on n’en trouve ailleurs que quelques attestations qui paraissent être des reprises du terme chez ces deux autorités. 2. En France, buis sert à désigner un arbuste (genre Buxus, fam. des buxacées) à feuilles persistantes et à bois dur, duquel on faisait autrefois divers petits objets (crucifix, poivrières, couteaux, peignes, etc.). De tels objets sont souvent mentionnés dans les inventaires de biens québécois des XVIIe et XVIIIe s.; ils avaient été apportés en Nouvelle-France par les colons, puisque le buis véritable ne pousse pas en Amérique (voir Histoire).

La riviere, pendant ces huit routtes, est bien boisée d’epinettes et petits pins rouges. Elle est bordée d’aune et d’un petit buis sauvages [sic] qui est un petit arbrisseau presque semblable à celuy dont on se sert en France dans les jardins. La difference est qu’il est un peu plus haut que le buis nain, mais il est veritable buis. 1732, R. Bouchard (éd.), L’exploration du Saguenay par J.-L. Normandin en 1732, p. 176.

Rien n’indiquait dans ces lieux le passage récent de l’homme. Les fougères, les quatre-temps, les buis, qui tapissaient la forêt, n’avaient point été foulés récemment. Tout respirait le calme de la désertion la plus complète. 1861, J.‑Ch. Taché, Trois légendes de mon pays, Les Soirées canadiennes, vol. 1, p. 90.

Virginie : Si chaque printemps on prenait une bonne tisane. Gontran : Ah oui… de sept bois ? Virginie : Oh, mais pas nécessairement sept sortes de bois, Gontran. Mais une bonne tisane d’un mélange de branches de cerisier, de buis, de cormier, un peu de pruche et d’épinette rouge. […] Les Anciens préparaient de cette tisane chaque printemps. […] C’était un excellent purificateur du sang. 1942, A. Brassard, La métairie Rancourt, 22 avril, p. 5 (radio).

Si tu avais sept sortes de bois, tu pouvais prendre un traitement de neuf jours, par exemple, pour purifier ton sang. De l’écorce d’épinette, du cèdre, du buis, de l’écorce de pruche, de la cerise […], des merises, des cerises, je te l’ai dit, et puis, après ça, il y avait du buis, je te l’ai dit, aussi? De l’épinette, puis du sapin : sept sortes de bois. Puis là, tu prenais ça, tu épuisais ça comme du thé, là, et puis ça purifiait le sang. 1972, Saint-Zacharie (Dorchester), AFEUL, G. Lebel 31 (âge de l’informateur : n. d.).

On recueillait les branches de buis n’importe quand, sauf l’hiver parce que la neige les recouvrait. On trouvait le buis près des sapins, épinettes, érables. On prenait la branche dont on avait enlevé toutes les aiguilles, on la coupait en petits bâtons qu’on laissait bouillir dans l’eau. Puis on retirait du feu et on laissait refroidir. Certaines personnes préparaient cette tisane en laissant les aiguilles après la branche. L’important était la sève qui se dégageait de la tige lors de l’infusion. 1974, Trois-Rivières-Ouest (Saint-Maurice), AFEUL, C. Raymond, ms. 12 (âge de l’informateur : n. d.).

Chaque automne, mon père préparait son sirop à base de gomme de sapin qu’il sortait lorsqu’un membre de la famille avait le rhume. Il avait également eu raison de l’eczéma de ma mère grâce à des décoctions de feuilles de buis prises dans la forêt. Ses recettes médicinales, il les puisait dans un des rares livres sur la pharmacopée autochtone. 2019, L. Beaulieu, La gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, mai, p. 15.

 (Variante). Buis traînard.

De nouveau le Délié prend son escousse mais il échappe encore et, blasphémant, roule, les griffes terreuses et le museau vaseux, au fond des buis trainards [sic]. 1937, F.‑A. Savard, Menaud, maître-draveur, p. 186‑187.

 (Désignant un autre arbrisseau). Disparu Petit buis ou petit bouis : nom donné à l’arctostaphyle raisin-d’ours (Arctostaphylos uva-ursi, fam. des éricacées), un petit arbuste rampant des régions froides aux fruits rouges astringents et aux feuilles vertes luisantes.

Du petit Buits [sic] sauvage. [...] Le 1er [arbrisseau] qui se rencontre [dans le Nouveau Monde] est une sorte de petit buits tout different du notre, et rempent [...]. Les sauvages en font état pour en faire des sacrifices a leurs dieux, il y a disent ils dans cette herbe une vertu occulte qui plait aux divinités de leurs forets, et ils s’en servent quand ils veulent fumer avec leurs pipes, et quand ils veulent que leur sacrifices soyent plus agreables a leurs manitous ils melent la feuille du petit buits avec le dieu des herbes qui est le tabac que les Europeans leur vendent bien cher [...]. 1685 env., L. Nicolas, Histoire naturelle, ANC, ms. 24225, fo 24.

Rem.Cette plante était connue plus communément sous le nom de saccacomi (pour ce mot, voir VézVoy 850‑857 et R. Ouellet (éd.), Œuvres complètes (de Lahontan), 1990, p. 696, n. 621).

Histoire

Depuis 1732. Découle, par analogie, de l’emploi du mot en France (lequel est attesté depuis le XIIe s., v. TLF; v. aussi FEW bǔxus 1, 666a) en raison de caractéristiques que partagent les deux arbustes. Le frère Marie‑Victorin fait à ce propos l’observation suivante : « Il n’y a aucun rapport entre cet arbuste [l’if du Canada] et le Buis (Buxus sempervirens), qui n’existe pas en Amérique; aussi le nom de ‘Buis’ employé partout par les Canadiens français rappelle simplement le feuillage persistant et la petite taille communs aux deux plantes. » (v. MVictFlore1 138). Buis traînard (depuis 1936 : L’enseignement primaire, décembre, p. 230) a été formé sur le modèle de sapin traînard (v. DomMen 43). L’appellation petit buis, en parlant d’une plante de la famille des éricacées, a eu cours de 1685 environ à 1744 (v. Fr. X. de Charlevoix, Description des plantes principales de l’Amérique septentrionnale, p. 53‑54, qui écrit le mot bouis; cette variante avait la faveur à Paris au XVIIe s. et a été relevée par l’Académie jusqu’à la fin du XVIIIe s., v. CatOrth, s.v. buis). Cette appellation s’explique également par une analogie entre la plante observée au Canada et le buis véritable (v. doc. de 1708 reproduit dans B. Boivin, « La flore du Canada en 1708 », Études littéraires, vol. 10, nos 1‑2, 1977, p. 276 : « Les feuilles et les branches de cet arbrisseau ont un rapport au buis d’où vient qu’on appelle icy Petit Buis. »).

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : avril 2021
Trésor de la langue française au Québec. (2021). Buis. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 1 novembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/buis