BRETTEUX, BRETTEUSE [bʀɛtø, bʀɛtøz]
adj. et n.
Variantes graphiques : breteux, brêteux.
Fam.(Personne) qui perd son temps, agit avec lenteur, fainéante; (personne) qui flâne.
Dépêche‑toi donc, espèce de bretteux!
Rem.Répandu partout au Québec, attesté en Acadie dans des zones limitrophes du domaine québécois (voir PPQ 2269, Mass no 1765).
placoteux, placoteuse (sens 2); zigonneux, zigonneuse.
Malgré tout mon malheur, j’me console de voir que Joseph, sait compter jusqu’à 3,050, ça va faire un beau vaillant, j’t’en parle, de plus quand qu’y s’bat avec Meilleur, ça va ben, tu sé Meilleur c’est pas un bretteux, y tape fort. 1910, Le Canard, Montréal, 27 mars, p. 6.
Bretteux. – Des « bretteux » comme toi, il y en a toujours trop. – R. Des flâneurs, des Rogers Bontemps comme toi, il y en a toujours trop. 1922, P. Lefranc, Autour de la langue française, La Presse, Montréal, 1er avril, p. 24.
[Ils] se sont tous deux mis dans la tête de ne plus endurer de « brêteux » dans la chambre de contrôle. À deux ou trois endroits nous voyons afficher [sic] sur les murs de la chambre de contrôle de petites cartes, portant de telles inscriptions : « Pas de flânage. Keep out. No loafing. Pas de brêteux. » 1942, Radiomonde, Montréal, 30 mai, p. 13.
Ses enfants l’agonisaient de bêtises en écharôgnant le pain de misère. J’aurais pu les écrapoutiller ces enfants‑là. Quand j’y pense. Quand on y pense. Sept grands garçons. Des flancs-mous, des sans-allure, bretteux, courailleux, paresseux comme des couleuvres. Des vrais malvats. 1944, Cl.‑H. Grignon, Le père Bougonneux, Le Bulletin des agriculteurs, janvier, p. 5.
Les curieux s’agitaient comme des fous, le nez en l’air, guettant la langue de feu. Après un moment, on vit arriver Maître Antoine avec une échelle et une cuve. – Bout de corde! Qu’est‑ce que vous attendez, tas de bretteux? dit‑il. Creyez-vous qu’y va s’éteindre rien qu’à le regarder, ce feu‑là? 1981, J. Pellerin, Au pays de Pépé Moustache, p. 170.
[…] une dame croisée à la sortie de la piste cyclable, se dit rassurée de savoir que les policiers parcourent les parcs et le réseau riverain [...]. « Pour moi c’est important, on voit assez de ‛bretteux’, des hommes seuls qui font semblant de cueillir des fleurs, je n’aime pas ça! » […]. 1996, La Tribune, Sherbrooke, 22 juillet, p. A3.
Nous aimions l’entendre, notre père, parler longuement du matin comme d’un vrai temps sacré : « Au jour d’aujourd’hui, encore aujourd’hui, j’sus pas bretteux. À cinq heures dans dix, j’suis avec mes animaux, même si les enfants dorment. […] Moé, pour être heureux, i’ faut m’lever à la barre du jour. […] » 2002, B. Lacroix, La foi de ma mère, la religion de mon père, p. 203.
Tout le travail se faisait à la hache dans la neige abondante qu’il fallait d’abord fouler autour de l’arbre afin de prendre pied. Les sapins et les épinettes étaient abattus, ébranchés puis coupés en billots de huit pieds. Les hommes, payés à la pièce, fournissaient un rendement moyen de vint-cinq [sic] billots par jour. Ladislas gardait l’œil ouvert et mettait au pas les bretteux et varnousseux, les « gros-parleux-petits-faiseux ». 2002, G. Bouchard, Mistouk, p. 234.
L’usine de pompage n’est pas encore en opération et nous sommes presque à l’été 2004. Ça marche comme une gang de « bretteux »... Les tuyaux ont gelé l’hiver dernier, car l’eau ne circulait pas à l’intérieur. Il semble qu’il devait y avoir des ingénieurs pour diriger les travaux, des gens déjà payés pour ça, mais apparemment quelqu’un qui travaille pour la municipalité est trop intelligent et n’a besoin ni de conseils ni de d’ingénieur; il peut tout faire par lui‑même. 2004, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 25 juin, p. 6.
VieuxFureteur, fouineur.
Rem.Cet emploi n’est attesté que dans des glossaires et recueils normatifs. Par contre, le verbe bretter est courant au sens de « fureter ».
(Variante; hapax). Bretteur n. m.
Rem.La forme bretteur renvoie normalement à un mot distinct (voir l’article bretteur).
Autour de la fournaise, et au pied de l’escalier menant à la réserve au‑dessus du magasin, il y avait, hors le vieux Paré [...], Didace Vigeant, Tancrède Leblanc, frère de Damien, les deux St‑Germain, du Trois, et autres bretteurs de même acabit assis dans l’escalier là où les marches étaient libres de marchandise. 1964, Y. Thériault, Les vendeurs du temple, p. 18.
Par ext., Fam.(Personne) qui fait de petits travaux, ou qui vit de petits boulots.
Une famille de bretteux.
Rem.Sens moins usuel que le précédent.
[…] tout en élevant trois filles, elle a toujours tout réparé et rénové dans la maison. À tel point que son mari, agronome de métier, qui voyageait à travers le Québec et n’avait rien du « bretteux de maison », lui offrit un jour comme cadeau de Noël une perceuse électrique. 1989, La Presse, Montréal, 17 décembre, p. E1.
[Il] a été impressionné par ce petit gars du Lac Saint‑Jean, issu d’une famille de « bretteux », comme il dit lui-même (des gens qui se débrouillent pour bien vivre, tantôt un emploi, tantôt un autre). À 16 ans, le jeune Karol ouvrait son atelier de réparation de bicyclettes. 1993, Commerce, 1er juillet, p. 14.
Un « bretteux », un « patenteux » et « ramasseux » d’objets de toutes sortes, il était inconsolable lorsqu’il a fini par comprendre qu’il devait quitter sa maison, son atelier et laisser derrière lui ses outils, ses boîtes pleines de vieux boulons et de vieilles clés, ses petits projets de rafistolage, tout ce qui lui rendait la vie intéressante. 1996, Le Droit, Ottawa-Hull, 11 octobre, p. 4.
Il n’y a pas un secteur à Sherbrooke où l’on retrouve autant de concessionnaires de voitures neuves, de parcs de véhicules usagés, de carrossiers, de mécaniciens et de bretteux de chars. Pour les Sherbrookois, le boulevard Bourque est le boulevard des garages. 2006, La Tribune, Sherbrooke, 14 juin, p. 6.
Travailleur de la construction à la retraite, [il] se définit comme un bretteux. Un bretteux de talent puisqu’il conçoit des meubles, portes d’armoires et cabanes d’oiseaux en bois, ainsi que de nombreux objets décoratifs de toutes sortes, dont de magnifiques boules de Noël aux détails raffinés. Des techniques qu’il a développées par lui-même au fil des ans, tout comme sa passion pour les outils. 2015, La Tribune, Sherbrooke, 31 décembre, p. 9.
Par anal., Fam.(Personne) qui hésite, tergiverse, qui n’arrive pas à se décider.
Lui, c’est pas un bretteux.
Cyprien : Il faut attendre que le postillon revienne de Saint-Jérôme. Alexis : Il devrait être à la veille. Cyprien : Ça retardera pas beaucoup. Le père Ovide est pas bretteux. Des fois, les gros chars sont en retard. C’est pas de la faute au postillon. 1939, Cl.‑H. Grignon, Un homme et son péché, 16 octobre, p. 5 (radio).
C’est pourtant un homme bien [...]. Intelligent, honnête, modeste, des idées. Et le cœur du bon côté, un peu à gauche je crois... Il serait parfait s’il n’était pas si bretteux. Le champion de la périphrase, de la litote, de la circonlocution. Jamais fichu de dire oui ou non. Il ne fuit pas pourtant, il ne se dérobe pas non plus : il précise. Longtemps. Il nuance. À n’en plus finir. Il zigone. Il farfine. Il tète. Voilà, je l’ai dit : notre maire est un téteux. 1990, La Presse, Montréal, 6 novembre, p. A5.
La NBA, moins bretteuse que sa cousine, a déjà entamé sa deuxième ronde des séries. Les Bulls disputaient hier soir le deuxième match de leur demi-finale contre les Hornets de Charlotte et les Lakers tentaient d’égaliser celle qui les oppose aux Sonics de Seattle. 1998, La Presse, Montréal, 7 mai, p. S10.
Vainqueur de la forteresse de Louisbourg à l’été 1758, le général Jeffery Amherst mérite le commandement suprême des forces britanniques en Amérique du Nord. Ses supérieurs ont noté son esprit méthodique. Pour certains historiens, il est plutôt du genre « bretteux ». En effet, il préfère le calcul à l’engagement militaire. Il progresse avec lenteur. […] Il se ménage toujours une retraite possible. […] Quittant New York au début de juin 1759, il prend la route du lac Champlain, mais avec ses hésitations habituelles il ne va guère plus loin que Crown Point. 2011, D. Vaugeois, Les premiers Juifs d’Amérique, 1760‑1860, p. 37.
Dès les premières lignes, Maxime Blanchard et son alter ego, Éric Langevin, plantent le décor, entre le Québec, cette « bourgade de l’empire », et New York. […] À cause de notre insouciance et de notre inconscience, nous serons les prochains à périr, nous serons bientôt Louisiane, territoire immense que Napoléon a vendu pour des peanuts. Emmurés dans notre « mutisme d’apatride », nous célébrerons notre « anonymat national ». Les derniers chapitres du livre se lisent en anglais, preuve tangible que le Québec se meurt, faute d’être devenu un pays. « Avec des grimaces de pâtiras d’opérette, ce peuple de bretteux et de slomos s’achemine agenouillé vers son trépas. » 2017, Le Journal de Montréal, 12 mars, p. 31.
Histoire
1Depuis 1905 (BPFC 3/10, p. 324). Résulte d’un affaiblissement sémantique du mot bretteur, attesté en français depuis 1653 (v. TLF) et pour lequel Besch 1847‑1892 signale une variante bretteux. Le mot a désigné une personne portant une brette [une épée], qui aimait se battre, qui cherchait querelle, emploi bien attesté également au Québec (v. l’article bretteur). Par association avec le comportement de celui qui erre en cherchant querelle, le mot a pris le sens de « batteur de pavé (vagabond, fainéant) » (Académie 1694, Fur 1727), et c’est sans doute cet emploi qui est à l’origine du sens de « personne qui perd son temps » qu’a pris le mot bretteux. Ce dernier a été relevé avec le sens de « mendiant » dans le Centre de la France (v. EdSol). On retrouve le mot sous les variantes brêteux ou brâteux, au sens de « celui ou celle qui est dans l’habitude de brêter, de demander sans gêne » (v. FEW *brag‑ 1, 491b, JaubCentre2); cf. également son paronyme bretleux, qui s’est dit dans le Maine d’un oiseleur et, par association de comportement, d’un fainéant (v. DottMaine et FEW a. bas‑frq. *bret 151, 271b). L’évolution sémantique du mot vers son sens québécois actuel a été influencée aussi par le verbe bretter, hérité de France au sens de « perdre son temps, ne rien faire, flâner, lambiner » (homonyme de bretter « ferrailler », enregistré dans TLF). Ce glissement sémantique a commencé en France, mais a connu son plein développement au Canada, donnant naissance aux deux emplois figurés décrits dans cet article. 2Depuis 1989. 3Depuis 1939.