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BOUILLEUR [bujœʀ]
adj. et n. m.

Rem.

La forme féminine bouilleuse n’est pas attestée dans la documentation consultée.

1

n. m. Dans une cabane à sucre, personne qui contrôle l’ébullition de l’eau d’érable pour en fabriquer du sirop et d’autres produits sucrés.

Bouilleur de sirop.

 VieuxDans une confiserie, personne qui contrôle l’ébullition des ingrédients (sirop de glucose, sucre, eau, etc.) servant à la fabrication des bonbons et d’autres sucreries.

Confiseur‑bouilleur.

  sucrier.

On demande un bon confiseur‑bouilleur dans les sucreries gommeuses. 1891, La Presse, Montréal, 4 avril, p. [8] (annonce).

Confiseurs demandés – 2 confiseurs, 2 bouilleurs pour la sucrerie dure, 1 homme pour le département des crèmes ainsi que 4 bons apprentis ayant de l’expérience. Plus hauts gages payés. 1906, La Presse, Montréal, 25 août, p. 8 (annonce).

A l’intérieur [de la cabane], c’est le bouillonnement cascadé de la sève qui s’évapore dans trois grands chaudrons de fer; c’est le gémissement du bois vert torturé par la flamme et qui suinte des larmes à chaque extrémité; c’est le ronflement sonore d’un bouilleur assoupi, ou le bruit d’une pipe siroteuse, d’une pipe de platre que le veilleur allume à même un flambeau d’écorce ou un corbeau de bois séché. 1928, G. Bouchard, Le sucrier des grands bois, Le Canada français, vol. 15, no 9, p. 623.

Celle‑ci [la bouilloire], alimentée régulièrement, réduit cette eau sur un feu de bois (d’érable s’entend) et la transforme d’abord en réduit (205 degrés), puis en sirop (220 degrés); en tire (225 degré) et en sucre mou (238 degrés). Un bon bouilleur se fie surtout à son instinct pour arrêter l’ébullition au bon moment. Pour faire un gallon de sirop il faudra faire bouillir de trente‑cinq à quarante gallons de sève d’érable. Lorsque le bouilleur a fini son travail, c’est au cuisinier de jouer. 1966, La Presse, Montréal, 19 avril, p. 19.

Au moment de la cuisson, pour savoir si la sève [d’érable] s’est transformée en sirop, le sucrier trempe d’un geste assez rapide une palette dans la « bouilleuse ». Il lève cette palette au bout de son bras, et si elle laisse tomber trois gouttes, le sirop est à point. […] Très souvent, on retrouve aussi la technique suivante : le bouilleur lèche l’ongle de son pouce gauche et il l’essuie sur son pantalon. Puis il jette une goutte de sirop sur son ongle et tourne le pouce verticalement. Si la goutte tombe ou coule, le sirop n’est pas assez cuit (le sirop ne doit pas contenir plus de 32 % d’eau). 1975, J.‑Cl. Dupont, Le sucre du pays, p. 65‑66.

Le maître bouilleur de cette érablière croit bien que la saison de production se terminera en ce début de semaine. Cela est toutefois rare que la production de sirop d’érable dépasse la mi‑avril. « C’est très rare qu’on bouille encore à cette date. Nous sommes quand même le 15 avril », ajoute M. Boisvert. 2017, Le Nouvelliste, Trois‑Rivières, 18 avril, p. 8.

Les érables ont été généreux au printemps 2018 dans la région. Tant que de plus petits producteurs ne savaient plus quoi faire de leur eau sucrée. « On arrête tout demain, même si ça coule encore. Notre bouilleur est fatigué » […]. Sa petite érablière artisanale, qui compte 1200 entailles, a produit deux fois plus que l’année dernière. 2018, Le Soleil de Chateauguay (site Web), 31 décembre.

La nouvelle cabane devrait être fonctionnelle d’ici l’automne. […] « On le fait pour nous. On fait des cadeaux et la famille en profite », laisse savoir M. Létourneau qui occupe le poste de « bouilleur » à la cabane à sucre. 2020, Le Reflet, Candiac, 26 août, p. 5.

Personne qui distille l’eau‑de‑vie.

Tout autre alcool que celui des fruits devrait être interdit; mais voilà, il n’y a pas de distilleries de fruits au Canada, il n’y a que des bouilleurs de whisky. Il faut donc importer. 1894, La Semaine commerciale, Québec, 21 décembre, p. 6.

 (Variante). Fam.Bouilleux n. m.

En sus, il fallait que la bureaucratie s’en mêlat [sic]. Après avoir appris au pauvre bougre de sucrier que son gallon devait être de 227.274 pouces cubes, les physiciens de la Commission des Prix trouvèrent malin de régler les prix du sirop d’après les couleurs types « Canada Dark » et « Canada Fancy », délicat procédé de classification requérant l’emploi du coloromètre qui est plutôt complexe pour le « bouilleux » d’eau d’érable. 1946, Le Courrier de Saint‑Hyacinthe, 12 avril, p. 8.

Selon [le grand maître sucrier], la qualité de son sirop et des produits de transformation soumis au jury est attribuable au travail inlassable de son oncle Rosaire, le « bouilleux », pour utiliser ses termes. 2001, La Tribune, Sherbrooke, 5 mai, p. B10.

2

n. Techn.Annexe (tube ou cylindre) d’une chaudière à vapeur qui a pour fonction de préchauffer l’eau pour celle‑ci.

Bouilleur de chaudière. Bouilleurs tubulaires.

 adj.

Tuyaux bouilleurs, Chaudières à tubes bouilleurs.

 Par méton. Chaudière à vapeur.

Appartement des bouilleurs.

  chaudière (sens I.3).

En 1817, il y avait 14 bateaux à vapeur en service; l’un a brulé, un autre a fait explosion de ses bouilleurs; neuf personnes ont péri dans l’année. 1841, Le Canadien, Québec, 19 février, p. [1].

Une catastrophe épouvantable a eu lieu dimanche dernier, à New‑York [sic], par l’explosion d’un bouilleur du steamer St. John, le plus beau vaisseau sur la rivière Hudson. Sur treize victimes, nous avons la douleur d’en compter trois de Montréal […]. 1865, L’Écho du cabinet de lecture paroissial, Montréal, 2 novembre, p. 324.

Tu vois que la chaudière à [sic] la forme d’un gros cylindre allongé, arrondi en hémisphère à ses deux extrémités. Sous ce cylindre il y en a deux autres moins gros, aussi remplis d’eau et communiquant avec lui; ce sont eux qui reçoivent l’action du feu. On les appelle bouilleurs. 1866, Le Franco‑canadien, Saint-Jean d’Iberville, 30 octobre, p. [2].

Un bouilleur à vapeur, en usage à l’Asile de Beauport, pour fournir l’approvisionnement d’eau nécessaire à cet établissement, a fait explosion, mardi, et un jeune homme du nom de Laflèche, pensionnaire de l’asile, a été tellement brûlé qu’il en est mort. 1869, Le Journal de Québec, 16 octobre, p. [2].

Pendant la construction du Northumberland, un des peintres y mourut suffoqué dans l’intérieur. On dit qu’il y était allé pour dormir plus tranquillement, sans songer au danger auquel il s’exposait. Un des ingénieurs du Buffalo fut trouvé évanoui près du bouilleur; il aurait péri s’il n’eût été promptement secouru. 1872, Journal de l’instruction publique, Québec, septembre, p. 134.

Je suis, disait-elle [une locomotive], le chef‑d’œuvre de l’industrie humaine. Je transforme, par mon feu ardent, l’eau du bouilleur de ma chaudière en une vapeur qui presse contre mes solides parois, cherchant une issue pour s’échapper. Elle n’en trouve qu’une, l’entrée du cylindre. Elle s’y précipite et en sortant elle presse le piston, qui met en mouvement mes bielles et mes roues. 1891, frères des écoles chrétiennes, Lectures graduées : troisième livre, p. 226.

La pose des bouilleurs dans les nouvelles installations de notre aqueduc est sur le point d’être terminée. Les ouvriers de MM. Jenckes & Co de Sherbrooke, ont commencé l’installation des filtres. […] On compte, que vers la fin de Janvier tout sera terminé et que la distribution d’eau pourra se faire alors par le nouveau château d’eau. 1897, Le Courrier de Saint‑Hyacinthe, 11 décembre, p. [3].

3

(Ancienn.). Grand récipient dans lequel on fait bouillir l’eau d’érable pour en faire du sirop et du sucre.

2011, E. Huybrechts, Bouilleur [photo], CC BY 2.0, Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cabane_%C3%A0_sucre_Dupuis_(5633487872).jpg

  panne (sens 2).

 (De nos jours). RareSyn. d’évaporateur.

  bouilleuse.

Ustensiles de sucreries de toutes sortes [titre]. Chaudières, Bassins, Bouilleurs et Chalumeaux pour l’eau d’érable, Couvercles pour chaudières et Evaporateurs – les meilleurs articles aux plus bas prix possibles. 1897, Journal de Waterloo, 25 mars, p. [4] (annonce).

« Une autre saison comme ça, et ce serait catastrophique. » Mario Bisaillon, de l’Érablière Du Cap, à Acton Vale, a bien eu peur que sa production annuelle ne puisse fournir assez de sirop de bonne qualité. Ce fut une saison « très moyenne », dit-il. En fait, 150 gallons de moins que l’an passé ont trouvé le chemin de son bouilleur. 2003, La Voix de l’Est (site Web), Granby, 22 avril, p. 4.

Histoire

1Depuis 1891 (L’Étendard, Montréal, 10 janvier, p. [4] : Situations vacantes […] On demande un bon bouilleur pour sucreries). Le mot figure cependant dès 1839 dans un journal en parlant de travailleurs dans une plantation de canne à sucre de la Jamaïque (Le Canadien, Québec, 24 mai, p. [2] : Dans une des plantations les plus considérables de toute l’île, on a fait, dans la seconde semaine du mois d’avril, quatorze boucauts de sucre […], chaque homme employé a reçu 14 sh[illings] 1 d[enier] sterling, et les bouilleurs 16 sh[illings] 8 d[eniers]). Bouilleur est attesté depuis le XVIIIe siècle en français en parlant de celui qui distille l’eau‑de‑vie (1775 selon GLLF, 1793 selon FEW bullire 1, 620a; en fait, depuis au moins 1757, v. Œuvres de feu Mr Cochin, tome 6, p. 107 : les Gentilshommes qui font convertir par un Bouilleur leurs propres vins en eau-de-vie ; nombreuses occurrences du mot dans ce livre). On relève aussi en France, depuis l’époque de Napoléon, l’appellation bouilleur de cru, qui se dit d’une « personne jouissant du privilège de distiller, sans acquitter de taxes, les fruits de sa propriété » (GLLF); on la retrouve à quelques reprises dans la presse canadienne au XIXe siècle, dans les nouvelles de l’étranger, en référence à la réalité française (v. Le Courrier de Saint‑Hyacinthe, 8 février 1876, p. [1] : Pendant, dit l’Univers [journal français], qu’on dépouillait l’autre jour les votes de l’élection sénatoriale, la discussion sur les bouilleurs de cru continuait toujours). L’utilisation du mot au Québec pour désigner la personne qui fait bouillir l’eau d’érable résulte, de toute évidence, d’une extension sémantique des emplois qu’il connaissait en France (le sens de « distillateur d’eau de vie » est d’ailleurs attesté au Québec, v. plus haut). La variante bouilleux a été signalée en Normandie avec le sens de « distillateur d’eau de vie » (v. FEW id.). 2Depuis 1841. Il s’agit d’un emploi du français de référence que les dictionnaires attestent depuis Larousse 1866 (v. FEW id. : « annexe de la chaudière à vapeur dans laquelle l’eau entre en ébullition »; v. aussi TLF qui atteste tubes bouilleurs depuis 1859). L’emploi métonymique du mot pour désigner la chaudière à vapeur elle‑même a eu cours également en France au XIXe siècle (v. Littré : bouilleur « chaudière d’une machine à vapeur »). 3Découle probablement du sens précédant, par extension.

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : mai 2021
Trésor de la langue française au Québec. (2021). Bouilleur. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 20 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/bouilleur