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BOB [bɔb]
n. m.

1

VieilliPasser (qqn) au bob, rarepasser le bob (à qqn), rarepasser (qqn) sur le bob. Traiter durement (qqn), étriller (qqn), critiquer violemment (qqn); faire des remontrances (à qqn).

Rem.Enregistré dans GPFC, s.v. bob, sens 3, dans DulCanad2 et dans BeauchQuéb 111; relevé en 1975 (« disputer qqn ») à l’île aux Coudres (Charlevoix-Ouest) et à Sault-au-Mouton (Côte-Nord) (voir Lavoie 2923). 

(Dans un emploi intr.). Nous avions décidé à notre dernière assemblée d’aller prochainement en corps, faire une visite au citoyen Brisebois, eh bien ! j[e] propose : que nous allions la semaine prochaine en masse avec musique en tête chez le citoyen en question dans le but, vous savez, de passer sur le bob. […] Nous sommes tous porteurs d’un fardeau très lourd pour ceux avec lesquels nous avons à vivre. Ne voudriez-vous pas nous faire passer sur les strapes de votre machine d’une si ingénieuse industrie. 1865, La Scie illustrée, Québec, 7 décembre, p. 2‑3, et 15 décembre, p. 2.

Joly — Ma grande conscience du bon ieu [bon dieu], la province de Québec s’est fait joliment enfifrewâper [= rouler, duper]. Langelier — C’est ben agréable d’arriver au pouvoir avec un trésorier qu’a pas c’te tôle [= qui n’a pas un sou]. Ben sur [sic] que si on n’a pas d’argent le peuple va nous passer au bob aux élections générales. 1878, Le Canard, Montréal, 23 mars, p. 2.

Tais-toi. Si tu as le malheur de répéter ce conte, je me fâche et je te passe au bob comme Gagnon. Regarde comme je traite ceux qui racontent cette histoire. Gagnon est empalé. Laurier et Foote sont entre les mains du bourreau. 1881, Le Grognard, Montréal, 3 décembre, p. 1.

Bob (passer au), loc., Locution curieuse, usitée dans le sens de Donner des étrivières, c.àd. d’infliger à quelqu’un un traitement sévère ou humiliant, pour une faute qu’on lui impute. 1894, S. Clapin, Dictionnaire canadien-français, p. 47.

Liboire a une manie qui plaît assez au sexe [« aux femmes »], mais qui l’a fait assez souvent passer au « bob » chez les hommes […] : il est fort sur l’habillement. […] Liboire a toujours été glorieux de ses hardes. C’est un tempérament propre. On sait ben que, par escousses, y en est fatigant, mais c’est encore mieux de pencher de ce bordlà que d’être crasseux et guénilloux. 1910, La Revue populaire, Montréal, août, p. 86.

Y avait Teddy Bouchard, Qui voulait pas d’la job, Y avait Lacroix, Edouard, Qui fut passé au bob. 1938, A. Bourgeois, Voyage autour du monde de Joson et Josette, 26 juin, p. 6 (chanson; radio).

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Disparu, plais.Châtiment moral visant à tourner qqn en dérision ou à le critiquer vertement.

Nous ouvrirons une enquête et s’il est prouvé qu’il a prononcé les paroles que notre confrère lui attribue nous serons dans la pénible nécessité de [le] faire passer par les épreuves du bob. 1880, Le Vrai Canard, Montréal, 4 septembre, [p. 3].

Comme nous tenons à donner une bonne ressemblance aux figures politiques qui paraîtront dans nos caricatures nous donnerons six mois d’abonnement à la personne qui nous fera parvenir la photographie d’un des députés suivants […]. Nous en avons un besoin pressant pour le service du bob. 1881, Le Grognard, Montréal, 24 décembre, [p. 2].

Le peintre qui a barbouillé la boîte des roues du vapeur Montréal peut remercier le ciel que des troubles aient éclaté dans le Nord Ouest sans cela il aurait eu déjà les honneurs du bob dans le Canard. Il ne perd rien pour attendre. Il peut être certain qu’il aura un article dans nos colonnes avant peu. Des atrocités de ce genre ne sont pas pardonnables à nos yeux. 1885, Le Canard, Montréal, 23 mai, [p. 3].

3

VieilliPasser (qqn) au bob : Rosser (qqn), le rouer de coups, le battre, lui donner une raclée.

Se faire passer au bob.

Rem.1. Plutôt rare dans les textes, mais bien attesté dans les glossaires et autres lexiques (Dionne, Blanch1, s.v. bob; GPFC, s.v. passer, sens 7; Bélisle1‑3, s.v. bob, Colpron2 104, BeauchQuéb 111; Lavoie 2754 « corriger un enfant », 4 attestations isolées dans Charlevoix et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, 19731976). 2. Les équivalents usuels au début du XXIe s. sont passer au cash, passer au bat.

Il l’a passé au bob. – Il l’a rossé, corrigé vertement, corrigé d’importance, étrillé d’importance, cinglé de coups, fouaillé, cravaché, passé à tabac […]. 1940, É. Blanchard, Dictionnaire du bon langage, 7e éd., p. 42.

(Hapax). L’emporter sur (qqn), le battre à plates coutures.

Un marchand canadien-français annonce, dans un journal de cette Province, qu’il vend ses marchandises à des prix ridiculement bas. « Ça, écritil, c’est ce qu’on appelle passer les autres marchands au bob ». 1909, Le Sarcleur, Sarclures, Bulletin du parler français au Canada, Québec, vol. 7, no 7, p. 279.

VieilliPasser (un animal) au bob « castrer un animal (goret, bouvillon, poulain) » (voir DulCanad2, s.v. bob); relevé en outre à Sainte-Monique-de-Honfleur et à Saint-Cœur-de-Marie (Lac-Saint-Jean-Est) en 1973 et 1975 (voir Lavoie 1357 et 1588).

(Dans des emplois intransitifs). Passer au bob « subir une épreuve » (voir GPFC, s.v. passer, sens 19); « se faire opérer » (1976, Saint-François-Xavier-de-la-Petite-Rivière (voir Lavoie 2450).

Histoire

1Depuis 1865. Passer au bob est une expression créée au Québec dont l’origine n’est pas nette (Clapin la qualifie de « curieuse »). Elle a été formée à partir de la construction passer à au sens de « subir (une peine, ou désagrément) », dans y passer, passer à la mort, au bannissement, attesté en français depuis le XVIIe s. et qui survit au sens atténué de « se présenter pour subir » (p. ex. dans passer à la radiographie), ou encore passer au crible (v. FEW *passare 7, 709b, et PRobert 2021). Le substantif bob, qui est l’autre composante de l’expression, paraît être issu du verbe anglais to bob au sens de « couper court (la queue du cheval) » (v. OED, s.v. bob v.5, sens 1 : « To dock, cut short (a horse’s tail, etc.) »). L’influence de l’anglais bob a pu s’exercer à partir du verbe bober, qui est un emprunt francisé du même verbe, avec le même sens (cet emprunt est cependant attesté beaucoup plus tard avec cette signification). Les connotations de violence que rend l’expression québécoise découleraient ainsi du sens du mot anglais qui a trait à une action de violence physique envers un animal. L’expression passer au bob, fréquente dans les journaux satiriques des dernières décennies du XIXe s., est constamment associée à l’image d’un outil coupant, c’est-à-dire une scie, représentant l’opinion publique qui traite durement certains politiciens. Le titre des journaux La Scie et La Scie illustrée a d’ailleurs été choisi pour souligner l’intention de leurs auteurs de faire une critique décapante de la vie publique. Dans ces journaux, en effet, scier signifie « châtier, caricaturer, ridiculiser » (p. ex. dans le deuxième numéro de La Scie, le 4 novembre 1863 (p. 1), le personnage de l’imprimeur parle de « ceux qui ont été sciés dans le premier numéro »). Passer au bob, c’est subir un châtiment moral, une définition qui est illustrée par une caricature du journal Le Grognard (Montréal, 3 mars 1883, p. 3), où l’on voit un homme ligoté qu’on s’apprête à pousser vers un dispositif formé d’une énorme scie circulaire, représentant l’opinion publique, montée sur une table qui porte l’inscription suivante : « Le bob patenté le 1er mars 1883. » On peut croire que l’expression passer au bob a été créée par le journaliste, essayiste et humoriste Hector Berthelot (alias Père Ladébauche) auquel on doit d’autres créations fantaisistes, comme enfirouâper (d’abord enfifrewâper, utilisé dans l’exemple de 1878, cidessus) et souhaiter la pinouillère (happy New Year). L’expression passer au bob figure en effet dans des journaux satiriques (La Scie, Le Canard, Le Vrai Canard, Le Grognard, etc.) qui ont été fondés par Hector Berthelot ou auxquels il a collaboré. 2Depuis 1880. Découle de l’expression passer au bob (sens 1).  3Depuis 1909 (Dionne : « infliger une leçon sévère »). Les emplois regroupés ici évoquent un traitement physique douloureux qui correspond au traitement moral qu’illustre le sens 1. Il n’est pas impossible que ces emplois aient été créés avant ceux du sens 1 et soient à l’origine de ceuxci, ce qui serait plus satisfaisant pour l’esprit en raison de la plus grande proximité sémantique avec le sens du mot anglais (violence physique), mais la chronologie situe nettement les emplois du sens 1 dans la dernière moitié du XIXe s. et ceux relatifs au traitement physique au XXe s.. Par ailleurs, le mot bob en anglais véhicule aussi l’idée d’un petit coup donné avec le poing (v. Webster 1986, s.v. 1bob vb, sens 1 : « to strike with a quick light blow », et s.v. 2bob n., sens 2 : « a blow, jog, tap, or rap esp. with the fist »). Cet emploi est peut-être aussi en cause dans la genèse de l’expression québécoise (c’est ce que suggère Dionne 1909 : « Le mot anglais bob dans cette locution, signifie coup, tape »). Le sens de « castrer (un animal) » (depuis 1973) découle de celui de « couper court (la queue d’un cheval) » (cf. plus haut le verbe bober, emprunt francisé de to bob).

Nouvelle entrée de la deuxième édition

Dernière révision : mars 2021
Trésor de la langue française au Québec. (2021). Bob2. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 15 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/bob-0