BEURRER [bœʀe]
v.
On trouve aussi une prononciation populaire [bøʀe].
v. tr. Étaler une couche de beurre ou d’une autre substance alimentaire sur du pain, une pâtisserie, etc.
2022, TLFQ, Beurrer une toast [vidéo].Beurrer des toasts avec du beurre d’arachides, avec du miel, avec de la confiture.
SYN. tartiner (perçu comme soigné).
graisser (pour la plupart des emplois de beurrer).
Rem.En France, ne se dit que pour le beurre.
Nos jeunes estomacs, creusés par le grand air et la marche, crient famine, […] nous voilà assis au beau milieu d’une talle épaisse de fougère dentelée, tout au bord du ruisseau qui nous fournit très complaisamment l’eau froide et claire […] pour arroser les grosses galettes brunes, prestement sorties d’un petit sac, et que nous « beurrons » d’une épaisse couche de confiture aux framboises fraîche [sic] […]. 1925, D. Potvin, Aux noisettes, Le Canada français, vol. 12, p. 434.
Beurrez sur une tranche de pain, une certaine quantité de beurre d’arachides […] et sur l’autre tranche une quantité égale de Beurre [sic] d’érable […] et unissez-les ensemble. 1935, Almanach du peuple Beauchemin, p. 351.
Margarine! Oléo-margarine! Quand donc pourrons-nous te beurrer Bien simplement sur nos tartines Ou sur nos toasts au déjeuner. 1954, L. Daunais, Le Trio lyrique, 13 janvier, p. 8 (radio).
La lecture prenait soudain vie devant moi tandis que mon géniteur prenait son mal en patience. On rentrait à la maison, on se beurrait des céleris au Cheez Whiz et on se bourrait de lecture en écoutant de la musique. Le bonheur. 2017, D. Goudreault, La Voix de l’Est (site Web), Granby, actualités (chronique), 20 octobre.
Fig., rareBeurrer son pain, sa toast des deux côtés : ne pas faire de choix, ménager la chèvre et le chou.
Comment les Québécois pourraient-ils beurrer leur pain des deux côtés? Simple, au fond. Ils n’ont qu’à voter oui au référendum et accepter les offres constitutionnelles [de Charlottetown], puis élire [un parti politique québécois]. Ou encore, répéter l’expérience de 1980‑1981 et voter non au référendum pour ensuite réélire [un homme politique québécois]. 1992, R. Giroux, Le Soleil, Québec, 6 septembre, p. A10.
Les six BD valorisent ouvertement la condition homosexuelle. L’aventure du personnage de Laurent est à cet égard très claire. Parce qu’il vit son homosexualité dans la clandestinité, dans les parcs par exemple, on le verra courir de grands risques. « À un moment donné, il faut choisir. Tu peux pas beurrer ta toast des deux côtés », se fera-t-il dire. 1995, Le Soleil, Québec, 29 septembre, p. B8.
v. tr. ou pron. Par ext., Fam. Enduire (son corps, une partie de son corps) d’une substance grasse ou huileuse destinée à protéger, à guérir.
Beurrer son visage, ses jambes avec de la crème. Se beurrer de crème solaire, de lotion pour le corps.
(Spécial.). Péjor.Se beurrer : se maquiller exagérément ou maladroitement.
Mon teint était celui d’une vieille savate de cuir […]. Mes globules étaient devenus carrés, mes alvéoles étaient bouchés et la racine de mes poils follets était morte. Un jour que j’étais au théâtre, […] je trouvai sur un banc voisin une boîte du fameux onguent Putipura. Comme j’ai pour devise que rien ne doit se perdre en ce monde, je me beurrai d’onguent le soir même, en arrivant chez moi. Ce fut mon salut. 1932, Le Goglu, Montréal, 1er janvier, p. 4.
– Rosalba : Tu voudrais être seule à te faire belle pour charmer Ti-Jos… Tu vas te trouver trompée, parce que moi aussi, je m’en mets du rouge, tiens, tiens, tiens… – Georgette : Vous me parlez d’un rouge commun… on dirait du vrai sang de bœuf. C’est ça, beurre-toi comme il faut! 1940, A. Rousseau, Les amours de Ti-Jos et les mémoires de Max Potvin, 9 juillet, p. 5 (radio).
– Rita, en remettant le rouge à lèvres dans le sac de Béatrice : Y te reste quasiment pus de Devil’s Kiss… – Béatrice : Si tu te beurrais un peu moins, y durerait plus longtemps! 1970, M. Tremblay, L’effet des rayons gamma sur les vieux-garçons, p. 23.
On pleumait d’la pruche, dans les mouches. Y en avait des mouches. Pis du stuff à mouches on n’avait pas dans c’temps-là. On prenait du goudron à couverture pis on mettait du saindoux là-dedans là pour adoucir ça, pis on s’beurrait avec ça pour les mouches. 1973, Duhamel (Papineau), dans R. Soucy et M. Villemure, Récits de forestiers, 1976, p. 184‑185.
Je veux bien essayer de m’accepter telle que je suis, mais pour le moment, je n’en suis pas là. En déambulant, je ne cesse de penser que j’aurais dû me beurrer d’auto-bronzant sur les nichons et le popotin, j’aurais eu plus fière allure. Pas très écolo ni très naturiste comme pensée. 1994, M. Roy, La Presse, Montréal, 4 août, p. C3.
On exfolie-tonifie-crème cette peau pour qu’elle soit plus dynamique, pleine de vie, allumée. On se beurre de fond de teint pour cacher la petite patte d’oie sur le côté de l’œil gauche. On roule une bille anti-poches sous l’œil pour masquer l’apparence de ce cerne toujours trop gros sur ce visage résultat d’insomnie. 2009, G. Proulx, La Nouvelle, Sherbrooke, 29 juillet, p. 3.
Quant à la piscine, elle est souvent très propre. Les tâches [sic] d’huiles [sic] sont celles des touristes qui se beurrent à l’huile comme on beurre un [sic] toast, sans retenue. 2013, L. Kiefer, Le Devoir (site Web), Montréal, opinion (chroniques), 18 octobre.
Vous préférez vivre avec la peau sèche tout l’hiver plutôt que vous beurrer de crème hydratante après la douche? Sachez qu’il y a de l’espoir, pour vous et pour votre peau. 2015, S. Ouimet, La Presse+ (site Web), Montréal, section pause beauté, 4 février, écran 5.
Ça rassure probablement beaucoup de gens, parce qu’un visage maquillé est considéré comme féminin d’emblée. Mais le jugement, on s’en sauve jamais vraiment. Les gens sont confus quand j’ai la face toute nue, parce que c’est moins évident. Ils sont confus aussi quand je porte beaucoup de maquillage, parce que c’est un autre débat, de se beurrer la face énormément. 2017, C. et J. Stratis, Ton Petit Look 2, p. 130.
v. tr. Fam.Salir, tacher; couvrir d’une substance salissante.
Beurrer le plancher. Beurrer un vêtement.
v. pron.
Se beurrer la face, les mains. Se beurrer avec de la peinture, avec de la suie. Se beurrer en mangeant.
(Absol.).
L’encre, ça beurre.
Tel avocat, qui fait de bonnes plaidoiries, a dans l’intimité une conversation par trop émaillée de fautes de français et d’anglicismes. Telle maman, ancienne graduée de Villa-Maria, laisse échapper des phrases dans le genre de celle-ci : « Mon Dieu que c’est donc de valeur d’avoir un enfant aussi botherant qui se beurre les mains avec des confitures! » ou bien : « Je vais coaxer mon mari pour qu’il m’achète un set en or! » 1884, Le Journal du dimanche, Montréal, 23 février, p. 76‑77.
Narcisse était tout couvert d’un mélange composé principalement de vase, d’eau sale et de bouse. Et encore, cette chute, cette course effrénée, ce taureau, ces vaches, voire même ce sacré bedeau, tout cela n’était rien en comparaison de Marie Calumet; d’être obligé de paraître devant elle, dans ce costume. Bon Dieu! quelle humiliation! Et elle riait, elle, elle pour qui il venait de se beurrer de merde et de honte. 1904, R. Girard, Marie Calumet, p. 85.
Oui, parles-en donc de ta bouche! Tu penses pas que, demain matin en faisant ta toilette, tu pourrais en mettre seulement deux doigts d’épaisseur, au lieu de trois, de ton saudit rouge à lèvres qui beurre tous tes mouchoirs, beurre les serviettes, beurre les oreillers, beurre mes collets puis mes cravates, beurre mes devants de chemise, beurre tes cigarettes puis beurre les tasses puis les verres à boire? 1944, R. Choquette, Métropole, 20 juin, p. 8 (radio).
Il recommence une danse, tout d’un coup, le grand tuyau qui passait au-dessus de lui se démanche, là, pis il te l’arrose de suie. Ah! Il en faisait pitié. Ici, le long des oreilles, là, pis là ça descendait, sa soutane [en] était pleine, il en avait sur les mains. La suie, c’est si difficile à partir, hein ? […] Ils lui ont lavé le visage, pis les mains, la soutane, bien, ça s’était détaché, mais sur les mains, là, ça colle ça […] pis quand ils lavent ça, ça beurre hein! Ah! le dégât. 1968, Notre-Dame-de-l’Assomption (Lac-Saint-Jean-Est), AFEUL, A. Paradis-Carpentier 31 (âge de l’informatrice : n. d.).
Elle [Cendrouillonne] rentre […] où est-ce qu’elle s’était changée pis elle se déshabille, elle remet son linge sale, pis elle se dépêche, elle s’ébouriffe toute la tête, pis elle vient s’assir devant le foyer […]. Elle s’était beurré tout le visage plein de charbon, plein de cendre. 1975 env., Saint-Alexis-des-Monts (Maskinongé), dans Cl. Légaré, Contes populaires de la Mauricie, 1978, p. 61.
Le guet à l’entrée des pavillons venait d’être renforcé et les portes étaient encore humides de peinture lorsque l’Ange frappa à nouveau et encore plus durement. Non content de beurrer les portes, il avait débordé sur les murs. Ses derniers dessins étaient splendides et ses textes, irrésistiblement drôles… à tel point que tout le monde commençait à le trouver sympathique. 1983, Fr. Noël, Maryse, p. 213.
Son garage de la rue Saint-Jacques ouest ne paye pourtant pas de mine; dès qu’on a fermé la porte de bois coulissante, il faut prendre garde de ne pas se beurrer sur une voiture, sur l’établi ou sur les bidons dégoulinants autour desquels quatre hommes gravitent, trois qui travaillent et un autre qui attise les conversations, la casquette relevée, les mains dans les poches. 1993, La Presse, Montréal, 10 février, p. A5.
L’autre problème, c’est que la police ne se respecte plus elle-même. Quand les flics s’habillent en clowns avec leurs pantalons de GI Joe et qu’ils beurrent leurs voitures d’autocollants syndicaux, faut-il se surprendre que le reste de la population se foute un peu de leur gueule? 2014, D. Gravel, Le Journal de Québec (site Web), opinions, 28 septembre.
Bien sûr, je prends mon pied dans les nouveaux produits de beauté : j’ai envie de croire que, si je porte la nouvelle fragrance, je vais rencontrer l’homme de ma vie, que le nouveau mascara m’allongera les cils jusque dans le front sans beurrer mes lunettes, que le nouveau super pinceau pour appliquer le eyeliner m’empêchera de me faire une ligne qui touchera mes oreilles. 2017, L. Dion, Humeurs d’une femme mûre et divertissante, p. 35.
Pour certains, c’est sans équivoque : dès que le second venu se beurre la face de son tout premier gâteau de fête, on se débarrasse vite fait bien fait de tout ce qui pourrait servir à une poupée. Exit le moïse, le siège coquille, les petits pyjamas, les bavoirs et les biberons. 2019, M.‑È. Lambert, Le Soleil (site Web), Québec, chronique, 28 janvier.
Fig.
On a déjà demandé à un homme politique ce qu’il comptait faire maintenant qu’il s’était peinturé dans le coin. « Mais marcher sur la peinture », avait-il répondu le plus simplement du monde. [/] C’est ce que commence à faire le premier ministre et c’est le premier pas qui est le plus difficile, car il faut accepter de se beurrer au moins un soulier. Par la suite, une grande enjambée est parfois suffisante pour se sortir du coin. 1995, D. Latouche, Le Devoir, Montréal, 8 avril, p. A12.
Fam.Se débeurrer v. pron. Se laver, se nettoyer.
– Brigitte (Rieuse) : Sainte-Anne! As-tu donc passé dans l’tuyau [de la cheminée]! [/] Fabienne retire avec dédain les mitaines de cuir de Daniel, toutes noircies. […] – Fabienne : Marin, lui? – Daniel : I’ est guère mieux. I’ s’débeurre chez-lui. 1957, G. Dufresne, Cap-aux-Sorciers, 1er janvier, p. 15 (télév.).
Fig.
v. pron. Vieilli(En parlant du temps). Se gâter, se couvrir.
Oh! bon Jésus, implora-t-elle, vous voyez que l’temps commence à se beurrer, faites-moé la grâce que ça se claire et j’vous promets deux chemins de croix. 1904, R. Girard, Marie Calumet, p. 128‑129.
[…] la neige tombe, avec force déjà, tout l’hiver déjà ameuté en elle. – Je savais que le temps finirait par se beurrer avant la fin de la journée, dit Xavier. C’était déjà là ce matin. Et ça va y être longtemps maintenant. 1987, V.‑L. Beaulieu, L’héritage, t. 1, p. 471.
Fam.(En) beurrer épais : en faire ou en dire plus qu’il ne faut, dépasser la mesure, exagérer.
[Le propriétaire d’une équipe de hockey] n’avait pas grand chose [sic] de neuf à dire, semble-t-il, (tous les journalistes ne se sont pas déplacés) mais il s’est fait voir et il a parlé de lui, il a livré des fragments de sa profonde pensée. Même [le président d’une autre équipe de hockey], qui pourtant possède lui aussi un ego encombrant, n’en beurre pas aussi épais. 1984, R. King, La Presse, Montréal, 14 avril, p. F2.
Les grands réseaux américains, comme on dit, n’étaient pas là et ils n’ont pas mis de temps à souligner le caractère douteux de la couverture de cnn qui, par ailleurs, en beurrait épais à l’écran. Le soir de la première attaque de missiles Scud contre Israël, les reporters arboraient le masque à gaz pendant leur intervention en direct […] mais pas les membres de l’équipe technique… 1991, La Presse, Montréal, 9 mars, p. D2.
La voix du chanteur, singulière de soul, de passion, voire même de tessiture, a tôt fait d’effacer les souvenirs des interprètes qui ont d’abord popularisé ces textes. […] Certains lui reprocheront peut-être de beurrer épais, mais ce serait comme reprocher à un cheval de course de galoper trop vite. 1993, Voir, Montréal, 4‑10 novembre, p. 44.
C’est donc dans cette atmosphère de tapes sur l’épaule […] que s’est déroulé le Congrès [sic]. Point d’arrogance, non, mais comme un sentiment irrépressible de confiance en soi, […] de certitude d’être les meilleurs, solidaires dans la grande lutte pour la démocratie. À cet égard, on ne s’est pas privé d’en beurrer épais. Le [un parti politique fédéral canadien], a dit [un homme politique] dans son discours de clôture, est « la plus grande institution démocratique du monde occidental ». 1994, J. Dion, Le Devoir, Montréal, 16 mai, p. A1.
Je vais te donner un exemple sur la façon dont je joue les claviers. Les trois voix remplissent beaucoup d’espace; je ne joue donc pas de la même façon que s’il n’y avait qu’un chanteur. Si tu beurres épais, c’est désagréable. Juste à elles seules, les trois voix remplissent la moitié du spectre sonore. Il ne me reste qu’à faire deux ou trois notes, et c’est suffisant. 1995, Voir, Montréal, 16‑22 mars, p. 13.
Pourtant, Lili, je la connais bien, on a grandi ensemble. Je sais que c’est une frimeuse qui aime épater la galerie. Elle aime en beurrer épais, comme on dit chez nous. Dans ce livre, disons qu’elle n’y est pas allée avec le dos de la cuillère à cocktail. Sacrée Lili! 1997, L. Gulliver, Les cocktails que me concoctaient mes amants, p. 157.
– Chère madame Bolduc, commença monsieur Beaudry, laissez-moi vous dire qu’il faut vous entendre pour le croire. Monsieur Dorion m’a souvent vanté votre grand talent de musicienne, mais je demeurais sceptique, surtout lorsqu’il me disait que vous maîtrisiez plusieurs instruments de musique. Parfois, les gens beurrent épais pour se faire entendre. Je crois que monsieur Dorion a vu juste. 2012, M.‑L. Monast, La Bolduc : le violon de mon père, p. 228.
Un acteur médiocre qui n’a jamais dépassé les rôles de deuxième couteau! Il peut bien donner entière satisfaction à la directrice : c’est le genre mou à beurrer épais quand il s’agit de flatterie. 2017, M. Laberge, Affaires privées, p. 128.
Depuis plusieurs années, le chroniqueur [à la circulation] se promène en voiture et cueille les infos provenant du public. Une pratique qui a de sérieuses limites. C’est pour ça que je me suis toujours demandé si le chroniqueur n’avait pas avantage à « beurrer épais », question de mousser l’intérêt et l’importance de son segment radio. Car, très souvent, c’est bien moins pire que ce que l’on dit. Je ne dis pas que c’est aisé! Mais, la fin du monde n’est souvent pas sur la 40 Est à la hauteur de Saint-Jacques ou sur le pont direction sud. C’est pénible, certes, mais pas infernal. 2023, D. Lemelin, Le Carrefour de Québec (site Web), 21 septembre.
v. tr. Fam.Tromper, duper (qqn), lui raconter des histoires, le leurrer par des propos flatteurs, de fausses promesses.
Beurrer les électeurs, les habitants. Se faire beurrer. Se laisser beurrer par de beaux discours.
Ce n’est toujours pas toi, animal, qu’elle lui dit, que le seigneur a cherché à ruiner : il y a douze ans que tu as acheté ta terre et tu n’as encore payé ni rentes ni zoléventes (lods et ventes). Ta femme qui est aussi chétive que toi, s’en va beurrer le seigneur, et il lui dit : c’est bon pauvre femme, à une autre année. 1866, Ph. Aubert de Gaspé, Mémoires, p. 453‑454.
– Baptiste : Comment Mercier a-t-il fait pour arriver au pouvoir? – Ladébauche : Mercier est une fine mouche. […] Il a beurré les nationaux avec de belles promesses […]. 1887, Le Violon, Montréal, 5 février, p. 2.
– Caroline : Les contribuables de la paroisse prétendent qui sont pas pour payer pour le village. – Cyprien : Voyons, madame Malterre, vous n’êtes pas pour vous laisser leurrer. – Caroline : Me laisser beurrer. – Cyprien : Beurrer, leurrer, comme vous voudrez. Le projet de l’aqueduc a été voté au Conseil. Nous bâtissons l’aqueduc et toute la corporation va payer pour. 1944, Cl.–H. Grignon, Un homme et son péché, 22 août, p. 2 (radio).
Il [l’ex-ministre] a aussi affirmé qu’il était difficile de dire ce qu’on pense lorsque l’on fait partie d’un cabinet, promettant que dès qu’il aura rompu les liens avec le gouvernement provincial, il expliquera comment « les Québécois se font duper, berner et beurrer ». 1988, La Presse, Montréal, 6 octobre, p. B4.
Québec, avance-t-il a été au fil des dernières années vidée de plusieurs de ses bons éléments. […] « Ce constat, c’est celui d’une ville nationale qui n’accepte pas de devenir régionale. À force de manger des taloches, les gens de Québec disent : “arrêtons de nous faire beurrer” », estime-t-il. Il va jusqu’à qualifier l’insatisfaction des citoyens de « saine, lucide et réaliste ». 2005, Le Soleil, Québec, 18 juin, p. A2.
Durant le repas, elle n’a pas relevé les farces plates de son mari, ne lui a pas coupé la parole; elle l’a laissé parler. Elle n’a pas contesté chaque chiffre qu’il énonçait. Elle l’a beurré de compliments, elle a ri à toutes ses histoires, comme si elle les entendait pour la première fois. 2014, J. Bertrand, Lit double, t. 3, p. 230.
Si les « fake news » beurrent les Étatsuniens, à temps comme à contretemps, les fausses alarmes des médias francophones leurrent les Québécois, comme et quand bon leur semble. 2017, Le Soleil (site web), Québec, parole aux lecteurs (carrefour des lecteurs), 27 novembre.
VieuxBeurreux, beurreuse adj. et n. Flatteur, trompeur.
– Sérieusement, Mme Goddin, est-ce qu’on me donnerait 50 ans? – Ma foi oui père; je ne suis pas beureuse [sic] moi. 1850, Eu. L’Écuyer, Historiette, Le Moniteur canadien, Montréal, 10 mai, p. [3].
v. tr. Fam.Acheter, soudoyer (qqn).
v. pron. Obtenir des avantages, de l’argent par des moyens douteux, illicites.
Il faut de fortes natures pour résister aux étreintes du besoin, et il y a des pauvres hères qui sont obligés de faire tout ce qu’on veut de la main droite, quand on leur beurre la main gauche avec des piastres. [/] C’est pourquoi il est de la dernière importance pour un homme pauvre, mais qui se sent quelque dignité en lui-même, de faire en sorte qu’il ne se trouve jamais dans la dégradante position d’accepter de l’argent, en échange de ses convictions ou de ses principes politiques. 1876, La Gazette de Sorel, 18 janvier, p. [2].
Malgré la rareté du beurre, il y a encore des gens qui « beurrent » les autres et d’autres qui aiment à se faire « beurrer ». 1946, L’Étoile du Nord, Joliette, 14 mars, p. [1].
Oui! Des patroneux, y en avait comme asteure. […] J’en ai connu qui se sont beurrés avec Taschereau, pis avec Duplessis, pis avec Lesage, pis ainsi de suite. 1976, B.‑B. Leblanc, Moi, Ovide Leblanc, j’ai pour mon dire, p. 132.
À chaque fois que la ville […] procédera à un changement de zonage dans son quartier (si jamais il est élu), il se trouvera des « oppositionnistes », des « antitis » ou des « lologues » pour annoncer en conférence de presse que le conseiller [municipal] vient encore de se « beurrer ». 1980, Le Soleil, Québec, 4 décembre, p. A14.
En 1885 on se souvenait avoir arrêté un fameux cabaleur d’élections ayant fait voter plus de morts qu’il n’y en a d’inscrits dans le grand registre de saint Pierre! Un coquin qui vous saoûlait et beurrait la moitié d’un village pendant que ses fiers-à-bras vous assommait l’autre moitié. 1983, M.‑A. Boucher et D. Mativat, Le festival des concombres, p. 36.
Cette mauvaise situation des finances publiques est imputable en partie aux actions d’une multitude de gens qui se sont accordé le droit d’être constamment beurrés des deux côtés. Ainsi, un trop grand nombre de personnes encaissent de généreuses pensions gouvernementales, doublées d’un mirobolant salaire de sénateur, pour ne nommer que celles-là. 1994, Le Soleil, Québec, 20 novembre, p. A8 (lettre).
Surpris d’apprendre que l’industrie de la construction, la politique municipale, les syndicats avaient été corrompus, que les firmes d’ingénieurs beurraient les partis au pouvoir? [/] Des syndiqués étaient pourris, leurs syndicats ne les ont pas dénoncés, leurs patrons non plus. Dans les petites villes où tout le sait [sic], les chefs de police ne savaient rien. Surpris? Vraiment? 2015, B. Aubin, Le Journal de Montréal (site Web), opinions, 27 novembre.
v. tr. Fam.Dénoncer l’implication (de qqn) dans des affaires, des pratiques répréhensibles, le mettre en cause, injustement ou non, dans une accusation.
SYN. compromettre, salir.
[une athlète canadienne], celle qui a avoué avoir bouffé des anabolisants à pleine pelle avec [un autre athlète canadien] et qui en a profité pour beurrer tout le monde en même temps, sans distinction. 1989, A. Bouchard, Le Soleil, Québec, 22 mars, p. A5.
Les porte-parole de la majorité et de la minorité ont réagi avec colère. – Il est allé trop loin. Il n’a pas le droit de beurrer tout le monde s’il n’a pas de preuves. Je lui reproche d’avoir semé le doute devant la population, a dit le leader du parti gouvernemental […]. 1995, La Presse, Montréal, 20 mai, p. B2.
Selon certaines informations, des entreprises impliquées se seraient livrées au blanchiement [sic] d’argent. […] Toutefois, [le ministre des Ressources naturelles] n’a pas voulu mettre dans le même sac tous les producteurs privés d’électricité. « Je ne veux pas “beurrer” tous les producteurs privés, insiste le ministre. Je pense, entre autres, à un petit producteur dans ma circonscription qui s’est conformé à toutes les demandes et qui fait son travail honnêtement. » 1995, Le Soleil, Québec, 28 mai, p. A6.
On a déjà payé pour la faute à la dernière campagne électorale. Il ne faut pas beurrer tout le monde avec le même pinceau. […] La question des commandites, il faut en revenir à un moment donné. 2007, Le Soleil, Québec, 27 janvier, p. 18.
Le député de Bourassa se souvient des affiches électorales des libéraux, systématiquement vandalisées pendant la campagne électorale qui a suivi. « L’institution publique en a reçu un coup. On s’est fait beurrer. Tout le monde. » 2010, La Presse, Montréal, 8 mai, p. 2.
Histoire
I1Depuis 1810 (Viger 141 : beurrer de la graisse, des confitures). Hérité des parlers du Nord-Ouest et de l’Ouest de la France; cp. beurrer au sens large d’« étendre qqch. de mou sur une surface quelconque » en Bretagne romane de même que le sens de « tartiner, étendre quelque chose sur son pain, même si ce n’est pas du beurre » dans le Poitou (v. FEW būtyrum 1, 664b; DubPoit, s.v. beurer : Beurer avec de la confiture). Cp. enfin cet autre exemple jersiais : beurrer atout [= avec] d’la graisse, d’la sauce dé pommes (dans LeMJers). Beurrer son pain des deux côtés (depuis 1992) est peut-être à rapprocher de l’expression anglaise de même forme to butter one’s bread on both sides, mais de sens quelque peu différent (v. OED (en ligne) 2024‑05, s.v. butter : « to simultaneously ally oneself with opposing factions, people, or causes; to behave in a duplicitous and self-interested manner »). 2Depuis 1905 (FSPFC). Extension du sens précédent, également attestée dans les parlers de France; cp. ci-dessus le sens général attesté en Bretagne romane et celui, plus particulier, d’« étendre et faire adhérer une matière poisseuse », par exemple dans beurrer de l’onguent sus la patte, en angevin (dans VerrAnj). 3Depuis 1884 (déjà en 1880 sous la forme de l’adjectif, v. beurré). Héritage des parlers du Nord-Ouest. Attesté en Normandie au sens de « barbouiller » (v. MaizNorm); cp. également beurrasser « étendre toute matière grasse sur un objet, de la boue sur ses vêtements, etc. même des fraises » en Anjou (v. VerrAnj; v. également FEW id.).
II1En parlant du temps, beurrer (depuis 1904) est probablement aussi à rattacher aux parlers de France; cp. beurée n. f. « orage » en Bourgogne (v. AncMerc), beurrouée « bruine, brouillard épais, brume » dans le Poitou (v. MinVienne1). 2Depuis 1984, sous l’influence de l’anglais to lay (put, spread, etc.) it on thick, de même sens (v. OED (en ligne) 2024‑05 et OED-Suppl 1986, s.v. thick, v. aussi Harrap 1985, s.v. lay). L’apparition dans la presse québécoise, à partir du début des années 1970, de variantes de même sens construites avec le verbe mettre, traduction possible de l’anglais lay ou put, appuie l’hypothèse d’une origine anglaise pour cette expression (v. p. ex. Montréal-matin, 27 novembre 1972, p. 58 : « en mettre épais » sur la galette; Le Quotidien, Chicoutimi, 30 janvier 1979, p. 2 : en mettre épais; Le Soleil, Québec, 20 novembre 1979, p. C2 : en mettre épais sur la tartine; La Tribune, Sherbrooke, 12 novembre 1985, p. B7 : en mettre épais sur la beurrée). 3Depuis 1866. Sans doute hérité de France; cp. être beurré « être trompé » dans le Nord-Ouest de la France (FEW id.) et l’expression beurrer des tartines « chercher à convaincre, à séduire par des paroles doucereuses », relevée au XIXe s. (v. Larousse 1866 et Guérin). Cp. encore, en jersiais (v. LeMJers), embeurrer illustré par l’exemple suivant : I’ chèrchait à m’embeurrer atout [= avec] ses fliat’ties [= flatteries]; j’m’en sis bien apèrchu!). Cp. enfin beuré n. m. « tromperie » en Moselle, dans le Nord-Est de la France (v. ZélMos). Une influence de l’anglais n’est toutefois pas exclue, cp. to butter (up) « to beguile or cover with lavish or fulsome flattery or praise » (Webster 1986; v. aussi Random 1983 et OED (en ligne) 2024‑05). L’adjectif beurreux (depuis 1850) semble sans lien avec le français beurreux « qui a la consistance du beurre », aujourd’hui archaïque (v. RobHist). 4Depuis 1876 au sens d’« acheter, soudoyer » (emploi défini par « stipendier » dans Bélisle1); depuis 1976 au sens de « s’enrichir ». Sans doute hérité de France; cp. l’expression beurrer la patte « suborner », attestée en jersiais (v. LeMJers), et beurre « argent, profit », en argot français (v. TLF et Robert 1985). En outre, on retrouve l’expression se beurrer au sens de « s’enrichir (souvent de façon malhonnête) » en argot français (v. ColArg; v. aussi DFNC 1991 et TLF). 5Depuis 1989. Découle probablement de beurrer « salir » (sens I.3).