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BEURRE [bœʀ]
n. m.

Rem.

Prononciation populaire : [bøʁ].

I

Par référence à la substance alimentaire obtenue en battant la crème du lait. 

A
1

Beurre de ferme, d’habitant, vieillide laiterie, fabriqué à la ferme, artisanalement. Beurre de crémerie, vieillide beurrerie, vieillide fabrique, fabriqué industriellement et destiné à la vente.

Rem.En France, cette même distinction se fait entre beurre fermier et beurre laitier.

De son large couteau la fermière trace une croix sur la miche dorée qui vole en éclats et se tend vers moi avec grâce... Un petit cube de beurre de ferme au goût d’amande met le comble à la satisfaction de mon estomac d’habitant... où le voyage et l’odeur du pain avaient fait un grand creux. 1926, G. Bouchard, Vieilles choses, vieilles gens, p. 82.

Tout notre hivernement : notre bois, tu le vois, de la plane des îles, de belle grosseur; la fleur de sarrasin, on en parle pas, on est à même. Nos pois cuisent en le disant sans l’aide d’une goutte d’eau de Pâques. Nos patates fleurissent, une vraie bénédiction. Notre beurre de beurrerie s’en vient. On a tout ce qu’il nous faut. 1945, G. Guèvremont, Le Survenant, p. 38.

« Au marché, les gens goûtaient toujours le beurre – ils sortaient de la monnaie de leurs poches [...] et goûtaient le beurre avec. C’était pas hygiénique, mais c’était bon, le beurre de laiterie; ça goûtait quelque chose. Aujourd’hui le beurre goûte la graisse, mais autrefois le beurre goûtait la crème un peu acide; c’était un goût particulier. » 1950 env., dans N. Dawson, La vie traditionnelle à Saint-Pierre (Île d’Orléans), 1960, p. 84 (extrait d’une enquête).

Penser à cette école des années 30, c’est aussi penser aux heures de dîner où tous ceux qui venaient de loin restaient sur place et mangeaient sur leur banc. [...] C’était des chamaillages, des rires, des pleurs, des échanges de beurrées de graisse de panne contre des beurrées de beurre d’habitant1975, J.-P. Filion, Saint-André Avellin... le premier côté du monde, p. 189.

Après 1880, les méthodes de mise en marché des produits laitiers évoluent parallèlement à l’industrialisation de la fabrication. Le beurre de fabrique, probablement de qualité inférieure au meilleur beurre produit sur les fermes, offrait l’avantage d’être toujours de qualité égale [...]. 1993, J. Saint-Pierre, dans A. Laberge (dir.), Histoire de la Côte-du-Sud, p. 225.

2

(Dans une comparaison). Fam.Fondre, passer comme du beurre dans la poêle : disparaître rapidement (souvent en parlant d’argent).

 Passer comme du beurre dans la poêle, facilement, rapidement, sans opposition.

Un mensonge qui passe comme du beurre dans la poêle.

– Ross : [...] qui viendra expliquer à la chambre comment les cinq millions empruntés des Français ont fondu comme du beurre dans la poêle? – Robertson : C’est Wurtele, parbleu. C’est lui qui a emprunté l’argent, ça sera lui qui se chargera de beurrer les Français et de les fourrer dedans, s’il y a moyen, pour un nouvel emprunt. 1881, Le Vrai Canard, Montréal, 2 avril, p. [3].

Un bon coup, toujours, il avait fait quelque chose de pas correct. Il s’en va à confesse pis il commence à accuser ses péchés. Pis il commence par les plus petits, ça fait que mais que le gros arrive, ça va passer peut-être ben comme du beurre dans la poêle. 1970, Saint-Augustin (Portneuf), AFEUL, G. Dulong 63 (âge de l’informateur : n. d.).

– Eh bien! je vais y aller, moi, lance-t-elle d’une voix mal assurée. [/] Il lui jette un regard qui fait fondre sa résolution comme beurre dans la poêle. 1974, Y. Beauchemin, L’enfirouapé, p. 29.

Selon l’usage, je m’étais d’abord présenté devant mon association du comté de Laurier, où le projet de souveraineté-association avait passé comme du beurre dans la poêle, à l’unanimité ou presque. 1986, R. Lévesque, Attendez que je me rappelle..., p. 290.

Cette mise en scène grotesque accapara durant plusieurs semaines l’attention de la presse, de sorte que la vente du réseau de gaz montréalais passa comme du beurre dans la poêle. 1989, G. Filion, Fais ce que peux, p. 266.

B

Fig.

1

Fam.Passer, frapper dans le beurre : rater la cible en exécutant un mouvement, manquer son coup (en frappant à côté de la balle, du clou, etc.); (plus largement) ne pas atteindre l’objectif visé.

 Tourner, virer dans le beurre, sans se fixer (en parlant d’une vis); à vide, sans qu’on puisse embrayer (en parlant d’un mécanisme, d’un moteur); sans avancer (en parlant d’une roue de véhicule qui patine).

 Parler dans le beurre, dans le vide, sans être écouté.

– Maurice : (haussant la voix). Attends que je retrouve mes mains, Jacky! [...] – Jacky : (riant, sûr de lui). Ça sera pas pour demain. T’en as au moins pour trois mois, avant de pouvoir grouiller tes battoirs. – Maurice : (furieux, se dirige vers le ring). T’as ben menti, avant un mois tu vas les sentir passer mes poings! – Jacky : (riant). J’va les sentir passer dans l’beurre, oui. 1978, M. Riddez et L. Morisset, Rue des Pignons, p. 286-287.

Appelé comme frappeur d’urgence en huitième manche, il est arrivé au bâton avec la démarche et l’air de celui qui ne se fera pas passer le même sapin que tout le monde. Santiago a accueilli le premier lancer de Langston – une glissante – d’un élan qui aurait décapité un grizzly, mais qui a fendu l’air. La rapide qui a suivi l’a complètement déculotté et le coup de gourdin est passé dans le beurre. C’est là que Santiago a perdu ses airs macho-gros-bras. 1989, La Presse, Montréal, 29 mai, p. 3 (cahier des sports).

Trou no 1, à normale 4, 83 verges. Lucie, une vraie de vraie avec un club entre les mains; handicap de 12, c’est pour vous dire... Élan et floush! Dans le beurre. 1993, Le Journal de Québec, 22 mars, p. 76.

La publication coup sur coup de trois sondages donnant des résultats radicalement différents a plongé les sondeurs eux-mêmes dans la confusion. [...] « Peut-être est-ce dû à des erreurs méthodologiques. Peut-être est-ce l’effet du hasard, la fois sur 20 où un sondage est passé dans le beurre. » 1993, La Presse, Montréal, 30 juin, p. B6.

Le chef du Bloc Québécois tisse des liens entre baseball et politique [titre]. [...] « Oui, c’est le sens du timing. Faut l’avoir. Faut que tu frappes la balle quand elle est là », sourit-il. En effet... Autrement dit, attention, et ouvrez l’œil, Lucien s’amène au bâton. Et il n’a pas l’intention de passer dans le beurre! 1993, Le Devoir, Montréal, 9 juillet, p. B4.

2

Fam.Avoir les yeux dans le beurre : avoir les yeux dans le vague, le regard absent; avoir un regard qui trahit la fatigue, l’ivresse, un désir sexuel, etc.

 graisse (sens III).

Mais le restant de la semaine, elle a eu les yeux dans le beurre... elle a oublié de récurer ses chaudrons, de cuire ses patates, de faire nos lits, de balayer. 1956, G. Dufresne, Cap-aux-Sorciers, 20 novembre, p. 7 (télév.).

« Je déteste la poésie romantique, les yeux dans le beurre et les déchirements intérieurs. J’aime les choses directes. Il faut que ça cogne dans les textes » [...]. 1990, La Presse, Montréal, 25 août, p. D7.

Dans The Doors Live in Europe, [...] Jim Morrison, le vrai, n’a vraiment rien d’un apôtre de l’abstinence. Il faut le voir, les yeux dans le beurre, balbutier quelque banalité sur l’immense joie de la musique qu’il compare tout de go à l’arrivée du printemps ou au lever du soleil... 1991, La Presse, Montréal, 14 mars, p. E1.

Il faut avoir vu Tina [Turner] se déchaîner comme une furie, chanter à s’en péter les cordes vocales, lécher le micro à pleine bouche, les yeux dans le beurre; incarnant [...] le fantasme de « l’insatiable femelle perpétuellement en chaleur ». 1993, Voir, Montréal, sem. du 1er au 7 juillet, p. 10.

(Variante).  Regarder dans le beurre.

Ça y’arrive pas mal souvent, à madame Gladu, de regarder dans le beurre, de même... J’ai souvent r’marqué ça... Pis c’est drôle... Ça doit être à cause de c’qu’à pense [...]. 1973, M. Tremblay, C’t’à ton tour, Laura Cadieux, p. 72-73.

3

VieilliPrendre qqch. comme, pour du bon beurre : croire candidement ce qui est dit, faire preuve d’une confiance aveugle.

– Max : Mais, en te voyant mal prendre les choses, ça l’a froissée, et pour te punir, elle a fait semblant de porter son attention vers le gars qui était devenu roi. – Jos : Oui, oui, oui, pis, j’ai pris ça pour du bon beurre... 1942, A. Rousseau, Les amours de Ti-Jos et les mémoires de Max Potvin, épisode 172, 5 janvier, p. 4 (radio).

– Napoléon : As-tu une petite idée [de] ce qu’Ovide va faire à Québec? – Denis : Prendre une vacance... Aller rencontrer ses supérieurs, au bureau-chef? – Napoléon : Pis t’as pris ça comme du bon beurre? 1962, R. Lemelin, La famille Plouffe, 9 mai, p. 2 (radio).

4

VieilliPrendre le beurre à poignée(s). Agir avec précipitation.

 Se montrer vorace, avide; chercher à tout s’approprier.

Chacun me faisait des questions sur le Canada et sur les chantiers. Je ne pouvais pas répondre à toutes leurs questions à la fois. Je dis aux filles : Espérez un peu. Faut pas prendre le beurre à poignée. Chaque chose en son temps. 1879, Le Vrai Canard, Montréal, 31 octobre, p. [2].

Il a été décidé que la prochaine exposition provinciale aurait lieu à Québec. [...] Québec est devenu trop safre. Il persiste à vouloir prendre le beurre par poignée [sic]. Il voudrait tout avoir chez lui et ne rien payer. 1882, Le Grognard, Montréal, 13 mai, p. [2].

– Baptiste : Vous v’là débarqués du pouvoèr! Fini d’prende el’beûrre à’a poègnée! – Maria : À c’t’heure, vous allez manger ’a soupe dans vot’ bol. Comme les autes! – Beaugras : Pis vous allez vous contenter qu’y soye pas plus grand qu’celui d’tout l’monde! 1975, R. Lepage, La pétaudière, p. 131.

– T’es aussi bien de laisser Nathalie tranquille! réplique Miville. Parce que sinon, prépare-toi à passer un méchant quart d’heure! – Prends pas le beurre à poignées de même! Après tout, j’ai autant que toi le droit de venir à l’hôtel. 1987, V.-L. Beaulieu, L’héritage, t. 1, p. 422.

Manger avec une avidité grossière, sans se soucier des règles de la bienséance. (JutrParl 171, DesRExpr1 34).

II

Par ext. Pour désigner divers produits faciles à tartiner. Beurre d’érable : produit obtenu en brassant le sirop d’érable qui a d’abord été porté à un certain degré d’ébullition puis refroidi; (par ext., aussi sous la variante beurre de sucre) produit commercial à base de sucre aromatisé artificiellement à l’érable.

 Beurre de caramel : produit commercial au caramel.

Sundae préparé avec du beurre de caramel et des noix. Mettre du beurre de caramel sur sa toast.

 Beurre d’arachide(s), de peanut(s).

Rem.En France, beurre peut s’employer pour désigner des substances grasses extraites de certains végétaux (beurre de cacao, beurre de coco, etc.).

On devrait prohiber l’emploi du mot « beurre » pour désigner des produits où entre le beurre qui n’est pas fabriqué avec du lait de vache. [...] Ce bill a pour objet d’empêcher l’emploi du mot « beurre » au détriment des producteurs de beurre, pour vendre des choses qui n’en sont pas, comme, par exemple, le prétendu beurre d’arachide. 1939, Le Devoir, Montréal, 19 avril, p. 9.

Un simple test chimique [...] permet d’établir la teneur en lévulose. On sait que l’excès de ce sucre peut empêcher la fine cristallisation qu’on exige du sucre mou ou du beurre d’érable. 1967, É. Chamberland, L’acériculture au Québec, p. 30.

1930 [...] La Coopérative des producteurs de sucre d’érable débute la mise en marché d’un nouveau produit, le beurre d’érable. 1995, D. Guay, « Chronologie de l’acériculture au Québec : 1632-1993 », dans Géographes, no 6, p. 103.

 (Mot de la même famille). VieuxBeurrade n. f. Toute substance grasse étendue comme du beurre. (FSPFC).

Histoire

IA1Beurre de ferme, depuis 1900 (La Presse, 2 avril, p. 6 : bon beurre de ferme); peut-être d’après l’anglais farm butter (v. Harrap 1983, s.v. farm). Beurre d’habitant, depuis 1940. Beurre de laiterie, depuis 1913 (Le Soleil, 9 janvier, p. 10 : beurre de laiterie de choix), probablement d’après l’anglais dairy butter « butter made at a private dairy » (v. OED-Suppl 1972, s.v. dairy), par opposition à beurre de crémerie, depuis 1900 (La Presse, 2 avril, p. 6 : bon Beurre de Crémerie), lequel paraît avoir été calqué sur l’anglais américain creamery butter « butter made at a creamery, as distinguished from that made at a private dairy » (v. OED-Suppl 1972 et Mathews, s.v. creamery). Sur le même modèle, beurre de beurrerie, depuis 1907 (L’Événement, Québec, 2 janvier, p. 5 : 5 lbs de beurre de Beurrerie à 25 cts la livre), à partir de beurrerie « endroit où l’on fabrique le beurre », attesté en français depuis Raymond 1836 (v. TLF), ainsi que beurre de fabrique, depuis 1956 (Le Lac-St-Jean, Alma, 15 mars, p. 3 du suppl. : production de beurre de fabrique), à partir de fabrique « établissement où l’on fabrique », attesté en français depuis 1666 (v. RobHist). 2Depuis 1881. Variante de l’expression fondre comme du beurre « disparaître » (v. TLF), attestée en français depuis le XVIe s. (v. RobHist). B1Passer dans le beurre, depuis 1906 (FSPFC); parler dans le beurre, depuis 1980 (FTLFQ). Cp. l’expression entrer comme dans du beurre « très facilement », attestée en français depuis le XVIe s. (v. TLF), qui fait aussi allusion à la consistance du beurre. 2Depuis 1956. 3Depuis 1942. 4Depuis 1879 au sens d’« agir avec précipitation », et depuis 1882 au sens de « se montrer vorace ». Expression construite à partir de la locution à poignée(s) « à pleine(s) main(s) » et, au figuré, « avec prodigalité, sans retenue », attestée en français depuis les XIIe et XIIIe s. (v. GLLF, s.v. poignée).

IIDepuis 1920 (Le Devoir, 13 avril, p. 8 : beurre d’érable boîte 2 1/2 livres). L’emploi de beurre pour désigner des produits qui rappellent le beurre par leur consistance ou l’usage qui en est fait (pour tartiner) s’explique par une influence de l’anglais butter (v. Random 1983, Webster 1986).

 beurréebeurrer.

Version du DHFQ 1998
Pour poursuivre votre exploration du mot beurre, consultez notre rubrique La langue par la bande.
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Beurre. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 3 décembre 2023.
https://www.dhfq.org/article/beurre