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BEAN ou  BINE ou  BINNE [bin]
n. f.

  

Fam.Haricot sec.

Une poignée de beans. Une livre, une poche de beans.

 (En parlant d’un plat cuisiné). Des beansvieillides beans au lard : des fèves au lard, des haricots au lard.

[sans date], Pixel1, Assiettée de beans [photo]. https://pixabay.com/fr/photos/f%c3%a8ves-au-lard-cuites-%c3%a0-la-bostonnaise-671041

Une platée, une assiettée, une assiette de beans. Une chaudronnée de beans. Une boîte de beans.

Des beans en can, en boîte. Jarre à beans : récipient (de grès, de terre cuite) dans lequel on fait cuire les fèves au lard. Des beans de chantier, apprêtées comme on le fait dans les chantiers forestiers. Souper aux beans, organisé dans le cadre d’une activité de groupe et dont les fèves au lard constituent le menu principal. VieilliUne bean : une portion de fèves au lard.

Manger une bean.

Le Protecteur Canadien, du 13 de ce mois, dit que « le Canadien-Français qui fait béké (to bake, cuire,) ses beans (fèves) chez le baker, mérite une médaille de cuir. » Notre confrère aurait pu ajouter à la médaille une touffe de chardons; car le Canadien qui estropie aussi bêtement sa langue doit savoir braire et avoir un goût prononcé pour le chardon aux ânes. 1877, Le Nouvelliste, Québec, 16 octobre, p. 2.

Tibi mange sur ses genoux, mais pas sur le pouce : fruits, céréales, lait, crème, café, rôties, et comme c’est dimanche des fèves séchées, cuites au four, avec du petit salé. A Boston, ça s’appelle « Baked » Beans, à Paris, un Cassoulet; au collège, on disait tout bonnement, des « Bines ». 1935, P. Rainville, Tibi, p. 26.

Là, on faisait des bines dans la cendre, pis on faisait du pain dans la cendre, pis on faisait cuire des prunes, pis on n’avait pas de poêle […]. Et puis, on faisait cuire des pommes sèches, pis des prunes, pis on faisait cuire des bines dans la cendre et puis il y avait du baloney en masse, pis il y avait du jambon en masse, des viandes fumées. 1965, Hérouxville (Champlain), AFEUL, N. Lafleur 72 (âge de l’informateur : 63 ans).

Le déplacement fréquent des chantiers, leur éloignement des routes, exigeaient une nourriture simple et de conservation facile. De passage en Nouvelle-Angleterre, le père de Louis-Joseph Papineau, qui exploitait les forêts de sa seigneurie de la Petite-Nation, découvrit les Boston Pork and Beans, inconnues jusqu’alors au Canada. Il crayonna la recette sur un vieux journal que j’ai eu dans mes mains, à l’adresse de son contremaître. La recette fit alors son entrée chez les bûcherons. Ce mets, devenu les « binnes (beans) au lard, » gardait ainsi une trace de son origine américaine, mais il se francisa par la suite en « fèves au lard. » 1967, J. Rousseau, dans Les Cahiers des Dix, no 32, p. 32.

J’fouille dans mon enfance, Comme un p’tit gars fouille dans une boîte de « Cracker Jack, » Pour trouver le cadeau qui s’cache au fond du sac, J’voudrais manger ma vie comme on mange le gâteau des rois Pour trouver la bean ou l’p’tit pois; ça serait comme mon enfance qui se cache dans ma vie à moi... 1972, J. Barrette, Ça-dit-qu’essa-à-dire, p. 53 (poème).

Elle apportait le chaudron de binnes ou de sauce aux œufs, nous servait en arborant une éloquente grimace et disparaissait dans la cuisine où elle essayait d’apaiser sa faim en trempant des biscuits Social Tea dans sa tasse de thé. 1992, M. Tremblay, Douze coups de théâtre, p. 93.

Par méton., Vieilli Une bean : un peu, très peu.

J’en veux rien qu’une bean. Ça coûte une bean.

 peanut (sens II.2).

 Par anal., Région. Orgelet. 

 (Dans une comparaison). Fam.Être rond comme une bean : être complètement ivre.

Y a rien qu’j’aime autant que de r’monter du village, en pleine nuitte, en chambranlant d’un fossâ à l’autre, rond comme une bean! Là, chu libre! 1980, J.-M. Delisle, Un reel ben beau, ben triste, p. 11.

VieuxPork and beans : fèves au lard.

 Par méton. Établissement où l’on servait des fèves au lard à manger.

[La mesure] vise surtout à la fermeture des restaurants Chinois et des ‘Pork & Beans’ qui augmentent d’une façon inquiétante. 1910, Le Devoir, Montréal, 18 juin, p. 6.

 binerie.

Fig., fam. Envoyer qqn aux beans : l’envoyer paître, promener, l’envoyer au diable.

 Va aux beans : va au diable.

Va aux beans, premier ministre. J’ai pas peur de toé. 1975, J. Barbeau, Une brosse, p. 89.

 Fam.Avoir les yeux dans la graisse de beans : voir graisse (sens III).

 VieilliEn criant bean : rapidement, en un instant.

(Dans une interj.). Fam.Câline de bean!

Plais., fam.Jos Bean, Chose Bean, servant à désigner une personne qu’on ne prend pas la peine de nommer correctement ou dont on ignore le nom.

 Plais., vieilliSerrer le passage des beans (à qqn), le malmener.

 VieilliTire-beans n. m. Sarbacane.

Rem.On dit plus couramment tire-pois.

Histoire

Depuis 1877. Bean « haricot sec » est un emprunt à l’anglais (v. OED et Webster 1986). Désignant un plat cuisiné, se rattache à des emplois de l’anglais nord-américain : cp. baked beans (qui rappelle la première attestation du mot en français québécois) « beans softened by soaking and boiling and then baked usu[ally] with salt pork and seasoning » (Webster 1986; v. aussi Random 1983); Boston baked beans « beans seasoned with molasses and salt pork and baked for a long time at a low temperature » (Webster 1986); pork and beans « a dish consisting of beans cooked with and flavored by pork » (Craigie, s.v. pork and beans; v. aussi Mathews, s.v. pork), appellation ayant elle-même eu cours en français québécois (depuis 1881 jusque vers le milieu du XXe s.) et qu’on a traduite par beans au lard ou fèves au lard. Pour souper aux beans (depuis 1927, dans Blanch4), cp. l’anglais britannique beanfeast « a festive occasion often including an outing and a meal » (Webster 1986; v. aussi OED). Pour une bean « très peu », cp. l’anglais nord-américain bean « a small or the least amount », qui fonctionne dans des expressions figées (Mathews), et not worth a bean « of very little value », qui est ancien en anglais (PartrSlang5). Pour être rond comme une bean, cp. être rond « être ivre », attesté depuis le XVe s. en français (v. RobHist, s.v. rond). Pour Jos Bean et Chose Bean, cp. l’anglais britannique old bean, formule que l’on adresse à un ami, à une connaissance (v. Gage 1984 et COD 1990).

Version du DHFQ 1998
Pour poursuivre votre exploration du mot bean, consultez notre rubrique La langue par la bande sur le site Web du Trésor de la langue française au Québec
Trésor de la langue française au Québec. (1998). Bean ou bine3 ou binne. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 9 décembre 2024.
https://www.dhfq.org/article/bean-ou-bine-ou-binne