BARDASSER [baʀdase]
v.
Variantes graphiques : (d’après des variantes de prononciation) berdasser, beurdasser, bordasser, (rare; dans des glossaires) bredasser .
v. intr. Fam.S’occuper à de menues besognes, à des riens (souvent sans but déterminé, pour se distraire ou s’amuser).
Bardasser un peu. Bardasser dans ses affaires, dans ses tiroirs, dans ses papiers. Bardasser ici et là.
Bredasser [...] faire mille petits ouvrage [:] Le f[rère] [L]a tour ne fait que Bredasser. 1744, dans PotierH 54.
– Était-il malade depuis longtemps? – Pour dire le vrai, répondit la vieille, d’pis qu’euque temps, y n’était pas vaillant. Ça le travaillait dans les poumons, à c’que disait le docteur. Mais on s’inquiétait pas, parce qu’on le voyait toujours berdasser un peu autour de la maison. 1910, S. Clapin, « La Noël chez Corbin », dans G. Dorion (éd.), Contes et nouvelles, 1980, p. 57.
Fallait qu’on s’occupe, qu’on bardasse tout le temps un petit peu, pour pas trouver le temps trop long. 1976, B. B. Leblanc, Moi, Ovide Leblanc, j’ai pour mon dire, p. 11.
Outre les périodes d’isolement causées par le genre de travail, la vieillesse et la maladie viennent aussi couper les individus de leurs activités naturelles et favoriser la création de pièces d’art populaire. Du vieillard, on dit alors : il s’occupe, il bordasse; et d’une personne malade : il se chasse les idées, il picosse. 1979, J.-Cl. Dupont, Histoire populaire de l’Acadie, p. 175.
v. intr. Par ext., Vieilli S’affairer à réaliser différents travaux manuels dans et autour de la maison, sur la ferme; (spécial.) faire le ménage.
Bardasser toute la journée. Bardasser dans la chambre des enfants, dans la maison, dans la cuisine. Bardasser dans le champ, dans la grange. Être après, en train de bardasser.
Par ext. Travailler.
Ça fait dix ans que je bardasse ici.
Marie, elle, berdasse, à l’ordinaire, du buffet à son poêle, de la dépense à la table, mais tout cela à la rebrousse, comme on dit. 1937, F.-A. Savard, Menaud, maître-draveur, p. 202.
Travailleur consciencieux et habile, serviable en tout temps, Fanfan avait peu à peu accepté les mancherons de la charrue que les bras vieillissants de Zéphirin ne pouvaient plus tenir. À la ferme, il assumait bientôt la responsabilité des travaux, avec une conscience et un allant qui surprenaient les voisins. Il se levait à la pointe de l’aube et il bardassait tard dans la soirée autour des bâtiments. 1940, Cl. Marchand, Courriers des villages, p. 46.
Seriez-vous assez bonne, elle dit, de m’engager, elle dit, comme cuisinière, elle dit, je vous aiderais, elle dit, à bardasser dans le manger, elle dit, j’aime ça, moi. 1954, Forestville (Haute-Côte-Nord), AFEUL, L. Lacourcière 2087 (âge de l’informateur : 51 ans).
Elle avoue en riant que la nuit elle se levait pour « bardasser », replaçant les tâches mal faites par la fille engagée. Pendant ses relevailles, son mari l’aidait beaucoup, il voyait aux enfants. 1978, Boischatel (Montmorency 1), AFEUL, S.-A. Jeanson, ms. « La naissance », p. 8.
Moé, j’y ai faite faire toute el grand’ ménage du printemps, y a bardassé tant qu’y voulait, mais là, c’pas d’à cause... mais toute est ben propre. 1981, M. Laberge, Ils étaient venus pour..., p. 64.
v. tr. Fam.Remuer, manipuler, traiter (qqch.) sans ménagement, sans précaution, souvent bruyamment.
2022, TLFQ, Bardasser de la vaisselle [vidéo].Bardasser des chaises, des plats, des casseroles, de la vaisselle.
v. intr. Fam.Bouger, mettre qqch. sens dessus dessous, s’affairer (à qqch.) en faisant du bruit, du tapage; faire du bruit, du remue-ménage.
Entendre bardasser (quelque part). Les enfants bardassent fort. Ça bardasse assez, pas mal. Arrêter, cesser de bardasser.
– Pierre : Bec de gaz, il n’y a presque plus de feu dans votre poële, père Pelletier... – Pelletier : Prenez quelques bûches dans le coin, mes petits enfants, et bardassez-les dans le poële... 1938, A. Audet, Madeleine et Pierre, 28 novembre, p. 7 (radio).
– [...] Voulez-vous un Coke? Ils firent signe que non. – Je vous en sers un quand même : vous me dites non parce que vous êtes gênés. Et même, je vous garde à dîner, parce que vous me plaisez. Il se mit à bardasser dans l’armée de bouteilles qui cernait son bureau et le recouvrait en partie [...]. 1974, Y. Beauchemin, L’enfirouapé, p. 32.
Ma mère et la bonne « bardassaient » des casseroles dans la cuisine. En vue de quoi? D’un buffet de réception de dernière minute? Pourtant, il ne devait pas y en avoir. 1982, S. Monet-Chartrand, Ma vie comme rivière, t. 2, p. 144.
La prochaine fois que la terre « bardassera », je souhaite que les stations de radio auront eu le temps de se munir d’un petit scénario d’urgence pour savoir quoi faire et dire dans les circonstances [...]. En cas de séisme donc, les petites natures ou les inconscients, fabricants de frissons devraient faire de l’air. 1988, Le Soleil, Québec, 29 novembre, p. B9.
v. tr. Bardasser du bois, le couper. Bardasser des arbres, les couper, les abattre. Bardasser la terre, la travailler, la labourer.
v. tr. Fig., fam.S’occuper de; manigancer, organiser (qqch.).
Bardasser des affaires.
J’me rappelle que du temps que j’bardassais les élections municipales, c’était plus dur, ben plus diablant pis enrageant. 1948, Cl.-H. Grignon, « Le père Bougonneux », dans Le Bulletin des agriculteurs, mars, p. 80.
v. intr. Fig., fam.Montrer sa mauvaise humeur, son impatience, son mécontentement en s’agitant, en bousculant les objets sur son passage, en maugréant.
Mais c’est parce que quand ça fait trop mal, ça paraît. Ça paraît parce que j’viens de mauvaise humeur pis j’bougonne, pis j’bardasse, pis envoye donc... 1973, Y. Deschamps, Monologues, p. 60.
v. tr. Fig., Acadie Gaspiller, dépenser follement (ses biens, son argent).
[I]l a tout beurdassé l’héritage que son père lui a laissé. (Dans PoirierG, s.v. beurdasser).
RareBardassement n. m. Bruit, tapage (habituellement provoqué par un remue-ménage).
RareBardasse n. f. « id. ».
Tout d’un coup j’entends-tu pas une bardasse terrible en arriére d’la montagne... Ça brassait là-dedans, mon p’tit gars, on arait dit qu’une bonne demi-douzaine de tonnerres se battaient à grands coups de marteau... 1978, M. Tremblay, La grosse femme d’à côté est enceinte, p. 289.
v. tr. Fam.Secouer physiquement (qqn); molester.
Bardasser qqn. Se faire bardasser. Bardasser un joueur (au hockey). Fig. La vie nous bardasse.
v. pron.
Se bardasser.
v. intr. Fam.(En parlant d’un chemin, d’un véhicule de transport). Les tramways, ça bardassait, ça secouait.
Des chemins qui bardassent.
Ah! si les Ministres s’étaient fait bordasser comme nous autres dans ces chemins-là, reprit Benjamin, y aurait longtemps que les gros chars passeraient par icite. 1917, A.-M. Turcot, « Une courvée dans les bois-francs », dans La corvée, p. 197.
[...] l’infirmière change mes draps, oui je me rends compte, dans le brouillard encore mais je dois commencer à émerger, elle change mes draps, elle me roule bardasse de tous côtés, je me laisse faire, faut bien! même pas assez forte pour protester [...]. 1972, G. La Rocque, Après la boue, p. 143.
Kulagin n’a pas été aussi élogieux pour le rude défenseur Jerry Korab qui a bardassé les Soviétiques durant tout le match, surtout le redoutable Alexandre Yakushev. Il a déclaré que ses placages sévères ne seraient pas tolérés dans le hockey européen. 1976, Le Soleil, Québec, 5 janvier, p. A1.
Souvent, j’allais chez un ami qui était très près de son père. Ils se bardassaient tous les deux, se promenaient ensemble, allaient à la pêche. Je n’étais pas jaloux, mais tu voyais que le gars avait du fun avec son père. 1989, La Presse, Montréal, 8 mai, p. A6.
v. intr. DisparuÊtre ballotté, secoué.
Le Bateau Bredasse : est agité[,] balance. (PotierH 47).
v. tr. Fig.
On sait que la nation francophone en Amérique a été constamment menacée, ébranlée, énervée, bardassée d’un statut politique à l’autre : elle a grandi comme un enfant qui va du foyer brisé à l’orphelinat en passant par le centre d’adoption, qui survit parce que son inexplicable vitalité passe par-dessus tout. 1972, R. G. Scully, Le Devoir, Montréal, 28 octobre, suppl., p. XXIX.
Fig., rareBardassant, bardassante adj.
On se laisse entraîner par le courant de la vie, la vie de tous les jours, la rivière de la vie, tantôt tranquille, tantôt fâchée, hurlante pis bardassante mais on est heureux. L’amour console de ben des misères. 1955, Cl.-H. Grignon, « Le père Bougonneux », dans Le Bulletin des agriculteurs, mars, p. 104.
v. tr. Par ext., Fam. Traiter verbalement (qqn) d’une manière rude, dans le but de lui faire entendre raison, de le sortir de l’inertie, sans se soucier de ne pas le heurter; réprimander, de façon plus ou moins vive.
Se faire bardasser par son père, son conjoint. Bardasser ses enfants un peu fort.
Mais on va l’avoir notre chemin de fer. Quand le curé Labelle va commencer à bardasser les politiciens, ça va se savoir par icitte. 1940, Cl.-H. Grignon, Un homme et son péché, 30 octobre, p. 7 (radio).
Joséphine, il est temps que je te parle en homme. Pendant qu’on est tout seuls. Devant les enfants, tu me bardasses, tu me traites comme un pensionnaire embarrassant. [...] Quand les enfants étaient petits, tu me taquinais de temps en temps. T’étais fatiguée de ta journée, tu criais après les petits. Fallait ben qu’ils écoutent. Pis tout d’un coup, après avoir disputé Cécile pis Napoléon qui se chamaillaient, tu me parlais sur le même ton que tu parlais aux enfants. 1962, R. Lemelin, La famille Plouffe, 26 juin, p. 3 (radio).
J’le sais... J’suis ben mal engueulé... mais je l’aime, ma grande. J’sais que je la bardasse pas mal, que je devrais y faire plus attention... mais j’ai pas le tour. J’m’y prends mal. 1984, J. Barbeau, Les gars, p. 139.
Quant aux procureurs de la couronne [...], ils se sont tellement fait « bardasser » qu’en guise de protestation, 30 de leurs collègues ont signé une pétition pour ne plus plaider devant l’aimable juge! 1988, L’Actualité, février, p. 42.
Histoire
La forme bardasser se rattache probablement au latin brittus « breton » qui a donné une famille de dérivés répartis dans l’ensemble des parlers d’oïl; il paraît cependant évident qu’il y a eu, dans le développement de cette famille, rencontre avec des représentants d’autres familles, par exemple celle de l’ancien bas-francique bord.
1Depuis 1744 (bredasser, Potier). Héritage des parlers de France; relevé sous les formes bredasser, berdasser, bardasser dans le Nord-Ouest, le Centre et l’Ouest (v. FEW brittus 1, 540b et 541; DavTour, s.v. bardasser, bérnasser ou bérdasser); cp. également berdachi « s’occuper à de petits travaux pour passer le temps » dans les Ardennes (FEW id., 541b) et bordachi « perdre son temps à des futilités » en Suisse romande (v. FEW a. bas-frq. bord 151, 188b). 2Depuis 1855 (DictBarb, s.v. bredasser). Probablement extension québécoise du précédent; cp. cependant, dans la même famille de mots, berdenner « passer beaucoup de temps pour mener à fin un travail minutieux » en Champagne (v. FEW brittus 1, 541a); cp. encore bardá « travailler avec acharnement » en béarnais et barder « id. » en argot parisien (v. FEW ar. bardaʻa 19, 23b). 3Depuis 1840 (BAnQQ, Lettres de Jacques Viger, AP-G 76/1, Montréal, 28 mars, p. 1 : vous me dites « avoir berdassé les Régistres pour y trouver quelque titre de concession [...] mais sans y rien trouver [...] »). Héritage des parlers de France; relevé sous les formes bredasser, berdasser, berdancer, bordanser (« travailler d’une façon turbulente », « remuer avec bruit », « faire du bruit », « remuer qqch. sans précaution, faire du tapage avec les objets qu’on manie ») dans les parlers du Nord-Ouest et du Centre (v. FEW brittus 1, 540b-541a). Le dérivé bardassement, depuis 1904 (BPFC 3/3, p. 85), a été relevé dans le Centre de la France sous la variante berdassement (v. FEW id., 541a). Bardasse (depuis 1978) a été relevé sous la forme beurdasse au sens de « bruit de métal entrechoqué » dans l’Ouest de la France (v. DoussPays2 60). 4Depuis 1810 (VigerB, s.v. bredasser); dès 1743 dans un emploi à valeur passive (bredasser « être ballotté, secoué », Potier). Sans doute hérité des parlers de France; relevé sous la variante berdancer « secouer qqn » dans le Perche (v. FEW id.; DudPerch). 5Depuis 1810 (VigerB, s.v. bredasser, et p. 117, n. 41). Non attesté comme tel dans les parlers de France, mais sans doute de même origine que les précédents en raison de son ancienneté.
barda; bardassage; bardasserie; bardasseux, bardasseuse; bardassier, bardassière; bardi-barda.