BALONÉ ou
BALONEY [balone]
n. m.
1. Parfois relevé au féminin, notamment au début du XXe s. sous la variante balle‑au‑nez. 2. Variantes graphiques : béloné, belloné; (jusqu’au second tiers du XXe s., d’après une prononciation en –[i] du mot en anglais) balony; boloné, boloney.
Fam.Sorte de gros saucisson cuit, de couleur claire, souvent considéré comme une nourriture de qualité inférieure.
2022, TLFQ, Saucisson de Bologne (« baloney ») [photo].Une tranche, une livre de baloné. Baloné à l’ail. Sandwiches au baloné. Acheter, manger du baloné. Trancher, faire cuire, faire rôtir du baloné.
Rem.Le mot saucisson est également utilisé dans le même sens; dans le vocabulaire de la publicité et de l’alimentation, on emploie saucisson de Bologne ou bologne.
La cuisinière me servit une assiettée de soupe à l’andouille, du boloné, une tranche de menon [= melon], de l’ice crême [= ice cream] à la glace et tout ce qu’il y avait de bon dans la pantry. 1879, Le Vrai Canard, Montréal, 23 août, p. [2].
C’est l’heure du dîner. […] Estelle est restée à sa place. Elle déploie un vieux journal qui contient deux tartines beurrées entre lesquelles s’étalent deux rondelles de « baloney ». Elle mange lentement, songeant à la noirceur de ses compagnes, mais ne leur gardant pas rancune. Elle a tant l’accoutumance de la souffrance. 1904, La Presse, Montréal, 16 janvier, p. 1.
Achetez directement du manufacturier[.] Sauce spaghetti italienne à la viande fraîche du jour. Pâté de foie gras frais. Saucisse à Hot Dog. Smoked Meat. Balony. Huile à patates frites exclusive. Betteraves tranchées marinées. 1954, La Patrie, Montréal, 20 juin, p. 116 (annonce).
Il faut que je vous parle aussi un peu de la nourriture. Il y en a un de mes amis qui se sent affaiblir d’avoir mangé trop de baloney et le surplus de corned beef. 1956, Leclercville (Lotbinière), AFEUL, L. Lacourcière 3198 (chanson) (âge de l’informateur : n. d.).
Dans le fond, dans le fond, il avait vraiment son idée. Pis son idée, là, d’ailleurs, il était empoisonné. Le baloney qu’il avait mangé, c’était pas normal. […]. C’était du chien, le baloney qu’on appelait dans ce temps-là. Astheure, il est bon, le père? 1960 env., Isle-aux-Coudres (Charlevoix-Ouest), AFEUL, P. Perrault 560 (âge de l’informateur : n. d.).
Désiré : Ta paie sera pas grosse, mon pauvre Osias... [...]. Osias : C’est de valeur, ça me fait pas une grosse semaine. Désiré : Tiens, v’là 50 ¢, tu pourras toujours acheter du baloné... 1963, O. Légaré, Zézette, 6 avril, p. 5‑6 (radio).
Mais quand qu’on arrivait pour les vendre [les viandes de porcs] à Montréal, à la coopérative, là. Bien, savez-vous de quelle manière qu’ils nous classaient ça? Ils classaient ça caneuses. Savez-vous qu’est-ce que ça veut dire, caneuses? Vous le savez pas, eh? On fait de la baloney. Comprenez-vous? C’est ça qu’on fait. On fait pas du steak puis des choses de même, là. On fait de la baloney : des petites viandes en can pour les lunchs. 1964, Charlemagne (Abitibi), AFEUL, P. Perrault 3 (âge de l’informateur : 64 ans).
Thérèse avait confectionné en vitesse quelques sandwiches au baloney et avait volé une grosse bouteille de Coke dans la glacière. Évidemment, Richard avait levé le nez sur les sandwiches. « Y paraît que c’est faite avec toutes sortes de cochonneries, ça, le baloney. Y’a du monde qui ont déjà trouvé des poils de rat dedans! » 1978, M. Tremblay, La grosse femme d’à côté est enceinte, p. 56.
Les assistés [sociaux] crient à la misère noire [titre]. [...] « C’est maintenant rendu que même le baloney est trop cher pour nos moyens. » 1990, Le Soleil, Québec, 18 octobre, p. A3.
Le plein air, les jeux, la baignade, les activités faisaient en sorte que nous avions toujours faim! […] Le vendredi, je me souviens du fameux French Canadian Steak, qui n’était ni plus ni moins qu’un steak de baloney! Un des desserts servis était le pouding au tapioca, surnommé le Frogs’eyes! 2019, Le Sentier, Saint-Hippolyte, septembre, p. 4.
Il nous transforme en Sisyphe du sandwich : le lunch scolaire. Tel le coronavirus et ses variants, il faut en produire un nouveau chaque jour. […] certains parents ont décidé de se prendre pour des Moment Factory du béloné. On parle de sandwiches taillés à l’emporte-pièce, d’œufs cuits dans des moules de dinosaure, de légumes en forme d’étoile […]. Relaxez, les parents. Les lunchs de vos enfants ne sont pas obligés d’être en meilleur état que les écoles où ils vont. 2021, Journal Métro (Montréal), 15 septembre, p. 18.
Histoire
Depuis 1878 (Le Canard, Montréal, 16 novembre, p. [3] : Un belloné, c’est de la grosse soucisse faites [sic] avec des viandes fumées). Balle‑au‑nez, découlant d’une étymologie populaire, figure notamment dans Blanch1‑8. Emprunt de l’anglais nord-américain baloney, ou boloney (forme à laquelle correspond la graphie boloné de 1879), qui sont des variantes de bologna (sausage) (v. OAD 1980 et Webster 1986). La forme bologna est elle‑même attestée occasionnellement dans des journaux québécois de la première moitié du XXe s.; la documentation québécoise fournit d’ailleurs les premières attestations des variantes baloney et boloney, qui ne sont relevées en anglais que depuis Webster 1940 (s.v. bologna, v. VerrAngl 52). La valeur dépréciative qu’a le mot baloney en québécois est à mettre en rapport avec celle du mot bologna en anglais américain, attestée depuis 1899 (« designating or referring to bulls suitable for converting into beef of an inferior quality », v. Mathews).