BABICHE [babiʃ]
n. f.
Peau non tannée découpée en lanières servant traditionnellement à la fabrication de raquettes, de chaussures et de sièges de chaises.
2022, TLFQ, Raquettes en babiche confectionnées par des Mohawks de Kanesatake vers 1908 [photo].Babiche de peau verte, crue. Babiche (de peau) de caribou, d’orignal, d’anguille, de marsouin, de bœuf, de veau, de mouton. Paquet, lot, peloton de babiche. Lanière, lacet, attache de babiche. Laçage, tressage de babiche. Fond (de chaise) en babiche. Attacher avec de la babiche. Coudre à la babiche. Tailler (de) la babiche.
VieuxPeau de (à, pour) babiche, préparée pour la fabrication de la babiche.
Pour coudre leurs souliers, [les Sauvages] ne se servent que de babiches ou éguillettes [...]. 1683, L. Hennepin, Description de la Louisiane, 2e partie, p. 88.
On l’écorche [le caribou] comme le bœuf et sa peau s’étend de la même manière que celle de l’orignal. Elle a moins de qualités, mais elle est plus souple; on la débite verte en minces lanières ou babiches, qui deviennent transparentes et servent à confectionner les plus belles raquettes ou souliers-de-neige. 1900, H. de Puyjalon, Histoire naturelle à l’usage des chasseurs canadiens et des éleveurs d’animaux à fourrure, p. 65.
Charles Castonguay haletait bruyamment, Jacques Duval geignait, tous deux, penchés en avant sur leurs raquettes devenues lourdes comme des boulets de forçat et dont les babiches couvertes de glaçons leur causaient à la naissance des orteils qu’elles entouraient, des souffrances à crier à chaque pas. 1925, D. Potvin, Le Français, p. 297.
Vincent fabriquait les souliers et les bottes. Cuir de vache pour l’empeigne, cuir de veau ou de mouton pour la tige, il appliquait les peaux sur des patrons taillés dans du bardeau, maniait le couteau de cordonnier, l’aleine [sic] luisante qui traçait un chemin à la babiche de peau d’anguille et au ligneul. 1931, L.-P. Desrosiers, Nord-Sud, p. 190.
Nous autres, on va, on peut carreauter une chaise, une chaise lacée là, on va dire. On va se tailler du cuir, de la babiche qu’on appelle, là, pis on va lacer un coin de chaise par carreau. Pas un pentagone, un carreau quatre faces là. Carreauter une chaise. 1973, Saint-Narcisse-de-Rimouski (Rimouski-Neigette), AFEUL, Cl. Poirier 61 (âge de l’informateur : 67 ans).
Habitué aux sorties intempestives de sa femme, le mari avait laissé passer l’orage en silence. Après avoir allumé sa pipe de plâtre à un tison ardent, il s’était confortablement installé dans sa grande berceuse à fond de babiche et il avait fermé les yeux. 1981, L. Allard, Mademoiselle Hortense, p. 113.
loc. VieuxFourni de pièces et de babiche : pourvu du nécessaire.
Tirer la babiche : exercer le métier de cordonnier.
Tire-la-babiche, ou tireur, tireux de babiche : cordonnier.
VieilliSe serrer la babiche : se serrer la ceinture.
L’argent est ben rare, constatait Maître Antoine. Faut pas se surprendre de voir le monde se serrer la babiche. 1981, J. Pellerin, Au pays de Pépé Moustache, p. 168.
Par anal., Rare Longue et étroite bande d’un matériau, d’une matière quelconque (p. ex. de tissu).
Vendre du gazon en babiche.
[...] des roulettes de masking tape et des babiches de Velcro [...]. 1987, Fr. Noël, Myriam première, p. 464.
VieuxLongue suite d’objets.
Une babiche de voitures.
Par métaph., Vieilli Personne grande et fluette.
Personne sans énergie, sans détermination.
Il n’est pas capable de dire non : c’est une babiche. (GPFC).
mitaine1, sens III.
Babicher v. tr. VieilliLier, attacher (qqch.) avec de la babiche; garnir (une chaise, une raquette) de babiche. (PPQ 858x et DulCanad).
VieuxDonner une correction à qqn, frapper qqn; réprimander qqn. (Dionne et GPFC).
Histoire
Depuis 1669 (d’après P.-L. Martin, La berçante québécoise, 1973, p. 26 : Un paquet de babiche po[ur] faire raquettes). Mot d’origine autochtone, probablement algonquienne; la forme qui s’en rapproche le plus est le micmac ababich’ attesté dès 1612 comme équivalent du français corde, fil (v. M. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle-France, éd. de 1866, p. 667; v. aussi FarNF 819 et 827, n. 32, qui établit des rapprochements avec d’autres mots des langues algonquiennes). Exception faite du sens principal, les divers emplois de babiche paraissent être des innovations québécoises. Babiche est bien attesté dans les parlers français de la Louisiane (v. par ex. ReadLouis 80 et DitchyLouis) et a pénétré en anglais nord-américain (v. DictCan, qui l’atteste depuis 1806, OED-Suppl 1972 et Webster 1986). Babicher est attesté depuis 1903 (BPFC 2/3, p. 96).