APPARTEMENT [apaʀtəmɑ̃]
n. m.
1. Attesté parfois au féminin. 2. Le [ə] de appartement ne s'amuït jamais dans l'usage qui a cours au Québec. 3. Variantes graphiques : (dans les documents d’archives) apartement, appertement; (au pluriel, anciennement) appartemens, apartemens, appertemens, appartemans.
VieilliDans un bâtiment, chacune des parties d’une certaine superficie isolées de cloisons.
(Dans un lieu destiné à l’habitation).
Logement de deux (trois, etc.) appartements. Un, deux (trois, etc.) appartements. Avoir deux (trois, etc.) appartements. Grand, petit appartement. Appartement double, fermé. Appartement chauffé, meublé, éclairé. Faire le ménage d’un appartement.
SYN. pièce.
(Dans un lieu destiné à un usage autre que l’habitation, p. ex. un bâtiment de ferme, une boutique, un édifice public, etc.).
Une étable en deux (trois, etc.) appartements. Les appartements de la laiterie.
SYN. compartiment, division, local, salle.
Rem.1. Employé fréquemment au pluriel, notamment dans les documents anciens. 2. De nos jours, le mot tend à désigner exclusivement, comme en France, une partie de maison, d’immeuble, composée de plusieurs pièces, qui sert d’habitation.
Les appartements seront separées par une cloison tirée despaisseur enbouvetez et blanchi des deux costés seulement dans le premier estage et le second [...]. 1683, Québec, Documents sur Louis Jolliet, Le Canada français, vol. 33, 1945, p. 71.
Le dit étage séparé en quatre pieces ou appartemens, dont l’une est une cuisine qui a fourneaux et four [...]. 1767, La Gazette de Québec, 16 juillet, p. [3].
[...] deux grenier qui servent de hengard, et en outre deux autres appartemans plus haut dont un sert a mettre divers minuties et un autre de pigeonnier. 1800, Kamouraska, BAnQQ, greffe B. Duberges, 16 mai.
Alors, passez par ici, dit‑elle, en ouvrant une porte qui donnait dans un petit appartement généralement nommé dans les campagnes, bas côté. 1837, Ph. Aubert de Gaspé (fils), L’influence d’un livre, p. 69‑70.
Il y avait une cheminée, puis il s’était mis à faire… il y avait pas de lumière, il s’était mis à faire un petit feu dans la cheminée pour éclairer l’appartement où c’est qu’il était. 1948, Sainte-Marie (Beauce), AFEUL, L. Lacourcière 632 (âge de l’informatrice : 88 ans).
Il regarde par le châssis : les toiles étaient pas complètement baissées, là. Ah! Il voit une belle petite chambre, c’était bien propre. Un autre appartement. Bien, c’était une petite salle qu’il y avait là-dedans avec des musiques là-dedans. 1954, Petite-Rivière-Saint-François (Charlevoix-Ouest), AFEUL, L. Lacourcière 2159 (âge de l’informateur : 58 ans).
Dans le scoutisme, je dois l’amour de la réalisation de faire quelque chose de ses mains. On a bâti, à Saint-Faustin, au camp de l’Immaculée-Conception, une maison de seize appartements, trois étages, pas de scie ronde, tout scié à la main, hein! 1964 env., Montréal, AFEUL, P. Perrault 1224 (âge de l’informateur : n. d.).
À l’arrière, se trouvait une espèce de hangar (shed) divisé souvent en trois parties : une laiterie ou « dépense », un appartement à bois de chauffage et une pièce à dîner l’été : le « fourni ». 1965, Saint‑Benjamin (Dorchester), AFEUL, M. Boucher, ms. 70, p. 27 (âge de l'informateur : n. d.).
Quand on arrive, on se déshabille pis on rentre tu‑suite dans l’appartement ousqu’on va jouer [au bingo]. Des fois, c’est le salon que la femme a vidé, des fois, aussi, c’est la cuisine, pis même, des fois, c’est une chambre à coucher. 1968, M. Tremblay, Les belles‑sœurs, p. 55.
Et qui, mieux que l’Hydro [Hydro‑Québec], pourrait songer à établir une bâtisse, divisée en plusieurs appartements, où serait racontée l’histoire de Shawinigan, le fonctionnement d’une Centrale, l’évolution actuelle dans la transformation de l’électricité, etc.? 1970, P. E. Nollet, Le Nouvelliste, Trois‑Rivières, 15 juillet, p. 6.
(Spécial., surtout aux XVIIIe et XIXe s.). (Dans appartement de(s) suivi d’un subst.). Local spécialement aménagé.
Appartement des bouilloires [= chaudières], des machines, des moulanges [= meules], d’emmagasinage à froid, etc.
Rem.Chambre est cependant plus fréquent dans cet emploi.
Histoire
Depuis 1683 au pluriel, depuis 1694 au singulier (RJ 64, p. 220 : son petit appartement); depuis 1748 en parlant d’un lieu destiné à un usage autre que l’habitation (Montréal, ANQM, greffe A. Souste, 18 mars : un grant etable en deux arpartemans). Héritage de France. Emprunté à l’italien appartamento au XVIe s., mais peu usuel avant le XVIIe (v. BW5), appartement était souvent employé au pluriel à l’époque classique pour désigner un ensemble de pièces dans une demeure luxueuse (v. GougFr 1, p. 175). Mais le pluriel appartements pouvait s’appliquer, déjà au XVIIe s., à un ensemble de locaux ordinaires, aménagés sans luxe aucun (utilisé en 1659 par Marie de l’Incarnation en parlant du logement des religieuses de sa communauté, v. sa Correspondance, 1971, p. 614 : dans nos apartemens). C’est à partir de cet emploi que s’est développé le sens de « chacune des parties isolées de cloisons (d’un bâtiment) », qui paraît attesté dès 1673 dans un document de la Bretagne française : le grenier et autres appartements de la maison (v. L’HeurMoul 39). Ce n’est toutefois qu’à partir du milieu du XVIIIe s. que les lexicographes enregistrent en France l’emploi singulier d’appartement au sens de « pièce, chambre », généralement déconseillé dans les dictionnaires de DesgrGasc 1766 (p. 64, s.v. chambre) à Besch 1892 (v. en outre Gattel 1797, Landais 1853, Littré, et GLLF, qui le relèvent chez Flaubert). Cet emploi est signalé en Normandie, en Saintonge, en Bretagne, en Haute‑Loire et en Provence (v. FEW pars 7, 672b; DavTrad, s.v. apartment, citant F. Boillot; RLiR 42, 1978, p. 156; LepNorm 141). On trouve en outre en Saintonge le sens de « compartiment dans la grange, dans le grenier » (v. FEW id.). L’influence anglaise n’est donc pas à l’origine de cet emploi, contrairement à ce qu’on a prétendu dans le passé. Le fait qu’on retrouve le mot en créole réunionnais (v. ChaudRéun 683) avec les mêmes valeurs qu’en français québécois confirme encore la filiation française du mot au Québec (v. en outre PoirAngl 55‑56).