AMI, AMIE [ami]
n.
Se faire ami ou vieilli faire ami (avec qqn) : lier amitié, se lier d’amitié (avec qqn).
Rem.Attesté également avec valeur réciproque dans (se) faire amis ensemble.
Tu comprends, Todore est police en ville. J’sais pas pourquoi, mais il avait des doutes sur le Frisé. Il a demandé à coucher dans la même chambre que lui. Il a fait ami avec lui... C’est comme ça [qu’il l’a attrapé]... 1940, Cl.-H. Grignon, Un homme et son péché, 25 mars, p. 7 (radio).
Une fois, c’était un homme qui était bien à l’aise. Il avait de l’argent en masse, pis il avait un grand garçon, pis il avait fait ami avec son voisin, qui s’appelait Petit Pierre. 1960, Saint-Théodore-d’Acton (Bagot), AFEUL, C. Laforte 1056 (âge de l’informateur : n. d.).
Ça vaut la peine d’être vu [la ville de Chicoutimi]. Je sais pas, c’est une belle place. Tu te fais ami avec n’importe qui. 1972, Ascot Corner (Sherbrooke), Corpus de l’Estrie 3-47.
Fam. Ami de garçon (ou de gars), amie de fille, amie de femme : personne (considérée par rapport à son sexe, son âge, son état civil) que l’on a l’habitude de fréquenter et avec qui l’on entretient une relation privilégiée (d’amour, d’amitié).
– Antoinette : As-tu beaucoup d’amis de garçons, Adéline? – Alzire : Elle en a en masse et des smarts. – Adéline : Et toi, Antoinette? – Antoinette : J’en ai rien qu’un et c’est toujours le même. – Adéline : Je vas finir par croire que Sévère te fréquente pour le bon motif. – Antoinette : Oui. J’attendais ta visite pour t’annoncer la grande nouvelle : on se mariera dans le temps des Fêtes. 1938, Cl.-H. Grignon, Le déserteur, 19 décembre, p. 6 (radio).
[...] il l’avait reconduite chez elle après leur sortie; il ne l’avait embrassée que gentiment. Malgré lui, qu’il le voulût ou non, il serait son ami de garçon, son vrai, son steady! Ensemble, ils iraient au cinéma tous les samedis soirs, peut-être deux fois la semaine. 1945, G. Roy, Bonheur d’occasion, p. 253.
La disco, c’est pour tout le monde. Les grands-mères, les « mon » oncles, les « ma » tantes, les cousins, les cousines, sans oublier, bien sûr, les mamans et leurs amies de femmes. 1979, Le Soleil, Québec, 26 novembre, p. A3.
À la fin, un joueur doit consacrer tellement d’attention à sa condition physique, son jeu à polir, qu’il ne reste pas suffisamment de temps pour des tours de ville, peu importe le pays. Et c’est particulièrement dur aussi pour l’amie de fille d’un joueur qui ne peut l’accompagner, comme c’est mon cas comme célibataire [...]. 1979, Le Soleil, Québec, 7 décembre, p. C2.
« J’passerai pus par ici, j’vas aller à l’école par le chemin des filles... » Mais ses amis de garçons ne lui auraient jamais pardonné et même les filles, qui l’adoraient pourtant, n’auraient pas vu d’un bon œil ce ti-cul sans blonde, donc sans raison, se mêler à leur groupe, à leurs fous rires, à leurs secrets pour se rendre à l’école. 1989, M. Tremblay, Le premier quartier de la lune, p. 47.
Fam. Être, rester pas pires amis, ou par ellipse pas pires amis : ne pas être en moins bons termes qu’auparavant l’un avec l’autre.
Je ne suis pas venu ici pour perdre mon temps. J’ai bien d’autres choses à faire. Redonnez-moi mon chèque et je m’en retourne... pas pires amis et sans rancune. 1964, R. Cyr, La Patente, p. 12.
Iron. Les, nos amis d’en face : appellation à laquelle les membres de l’Assemblée nationale recourent pour désigner leurs collègues d’un parti adverse.
Je disais donc, M. Le Président, que c’est en relation avec la motion de blâme que l’honorable ministre est en train de développer une thèse qui tout à l’heure pourra surprendre nos amis d’en face. 1970, Débats de l’Assemblée nationale du Québec, 3 mars, p. 110.
Et comme par ailleurs il reviendra toujours à la charge les jours où je serai absent de la période de questions, je n’ai jamais pu vérifier les visages de nos amis d’en face, qui en disent souvent long pendant les questions de leurs collègues. 1983, Cl. Charron, Désobéir, p. 192.
[...] nous prîmes en septembre la décision de retarder un peu la rentrée parlementaire, ce que « les amis d’en face » accueillirent avec les cris de putois conventionnels. 1986, R. Lévesque, Attendez que je me rappelle..., p. 478-479.
Histoire
1Depuis 1881 (Manseau). Héritage de France. On trouve, en français du XVIIe s., se faire ami de qqn (v. Miege 1677). Pour faire ami (avec qqn), cp. faire camarade (avec qqn), de même sens, en wallon (fé camarade avou qqn, v. HaustFrLiég, s.v. amitié) et faire amitié (avec qqn) « lier amitié, se lier d’amitié (avec qqn) » attesté en français depuis le XVIe s. (v. p. ex. Estienne 1539, s.v. faire, Besch 1892 et Robert 1953, s.v. amitié; considéré comme vieux de nos jours, v. Robert 1985). Cp. encore faire ami-ami « se lier (avec qqn), lui faire des démonstrations d’amitié » dans la langue familière ou populaire (v. FEW amicus 24, 446b, Larousse 1982 et ReyExpr, s.v. ami, CarArg 22) ainsi que faire ami « lier amitié, se réconcilier » dans la langue enfantine (v. Académie 1986; aussi faire ami « dire bonjour », relevé auprès d’enfants dans un parler de l’Ouest de la France, v. RézVend 191). Enfin, l’emploi de la préposition avec, dans ami avec (qqn), est bien attesté dans les français d’Europe (v. DupréEnc, s.v. ami, PoirRég 422). Toutes ces données discréditent donc la thèse selon laquelle ces emplois seraient des calques de l’anglais to make friends (with someone) (SenDict 1979, OAD 1980, Gage 1984, Webster 1986), soutenue dans bon nombre d’ouvrages correctifs (v. p. ex. ClapInv, Blanch1-8 s.v. faire, Colpron2 43 et RobMan2 168). 2Depuis 1919 (d’après É. Blanchard, dans La Presse, 19 avril, p. 40). Calques de l’anglais nord-américain boy friend, girl friend et woman friend (v. p. ex. Mathews et Webster 1986; également OEDSuppl 1972 et Harrap 1985, s.v. boy et girl, et CollinsR 1995, s.v. woman). 3Depuis 1964. 4Depuis 1970.