AGONISER [aɡɔnize]
v. tr.
VieilliFaire des reproches à, invectiver (qqn).
Par renforcement Agoniser qqn de bêtises, d’injures, d’insultes : injurier, insulter qqn.
J’ai que j’ai perdu ma clef! s’écrie‑t‑il, et que je vas être obligé de réveiller ma femme, et qu’elle va m’agoniser! Voilà ce que j’ai! 1878, Le Farceur, Montréal, 26 octobre, p. 1.
Je veux protester… elle m’agonise de sottises… ma foi! la moutarde me monte au nez… je l’appelle vieille patraque… oui, je dois l’avouer, ça m’a échappé, je l’ai appelée vieille patraque… Oh alors! si vous aviez vu ma belle-mère!... 1885, Le Monde illustré, Montréal, 23 mai, p. 19.
[...] j’aime ben ma place, le ciel, les montagnes, le lac au milieu. Une belle image comme on en voit dans les livres, une image vraie, par exemple. Pas une rêvasserie. Un homme qui viendrait dire le contraire, je l’agoniserais de bêtises. 1944, Cl.‑H. Grignon, Le Bulletin des agriculteurs, novembre, p. 6.
J’avais une couette de travers. J’ai plongé mon poing dans le bénitier pour replacer mes cheveux avec une goutte d’eau. Un curé arrive, va, court, vole, me forfeture, m’agonise, se mesquinise, se rapetisse, se décrisse, disparaît... dans l’eau bénite. 1971, G. Godin, Iom, p. 33.
Le point de départ [d’une série de tableaux]? Un homme qui, croyant dur comme fer qu’elle avait accroché sa voiture en ouvrant sa portière, l’avait agonisée d’injures dans une [sic] stationnement de centre d’achats. 1989, La Voix de l’Est, Granby, 21 janvier, p. 27.
Avec la crise au Kosovo et la campagne de bombardements de l’OTAN qui s’ensuivra au printemps 1999, qu’il condamnera, l’opposant s’était senti en danger et trouva refuge au Montenegro pendant que le régime de Belgrade l’agonisait d’injures. 2003, La Presse Canadienne, 12 mars.
Naissance s’ouvre sur la naissance de Yann Moix. Un père haineux et sans pitié se penche sur son berceau en l’agonisant d’injures. La mère laisse faire, et consent à se joindre à l’entreprise paternelle : faire de la vie de cet enfant un enfer, lui interdire catégoriquement le bonheur. 2013, Le Journal de Québec (site Web), Québec, vie (livres), 4 novembre.
Je viens de me faire gifler – une douce gifle, mais une gifle quand même – par une de ces bienveillantes meilleures amies. Apparence que je n’étais pas autorisé, moi, à photographier une des filles debout sur le bar (celle qui avait cru bon se vider une bouteille d’eau sur la tête). Mon avocat intervient, tente vainement d’amadouer la lionne qui m’agonise d’insultes en dodelinant de la tête comme la figurine Bobblehead d’une concurrente d’Occupation Double. Je range mon téléphone dans la poche de mon jeans et l’assistant de mon avocat pacifie la situation en commandant pour tout le monde des Jägerbombes. 2013, D. Tardif, La Nouvelle, Sherbrooke, 20 novembre, p. 10.
Métro en grève, pas d’essence, par une journée caniculaire, Goscinny se rendit à pied au petit tribunal du peuple constitué par la « bande de chouettes copains » : on l’agonisa d’injures, de quolibets et de revendications diverses. Très écorché vif de nature, l’humoriste en conçut peine, colère et rancune éternelle. Mais pragmatique, il en profita pour transformer Pilote : naquirent peu après les non moins légendaires « pages d’actualité » et s’ensuivit un véritable bond en avant pour la bédé. 2015, S. Cormier, Le Devoir (site Web), Montréal, section lire, 28 mars.
Histoire
Depuis 1878. Hérité de France; sens emprunté à agonir (v. TLF, s.v. agoniser2, attesté en France depuis 1743 dans la langue populaire et répandu dans bon nombre de parlers régionaux, notamment dans agoniser d’injures, de sottises (v. FEW agonizare 24, 268a). En déclin au Québec, cet emploi est entré dans certains dictionnaires français qui le donnent comme familier ou populaire (v. TLF id., Robert 1985 et Robert (en ligne) 2022‑07).