ACHALÉ, ACHALÉE [aʃale]
adj.
Variante graphique : achallé, achallée.
VieilliAllumé, embrasé (d’un feu); enflammé (de charbon de bois).
Rem.Encore signalé au Québec en 1970 (PPQ 1775x).
Quand Le feu sera bien achalé, on y mettra du Chêne. 1746, P. P. Potier, dans P. W. Halford, Le français des Canadiens à la veille de la Conquête, 1994, p. 89.
Vieilli, rareAccablé par la chaleur.
Lorsqu’il [Louis-Adélard Sénécal] a dit qu’il construirait un chemin de fer sur la glace, il l’a construit, n’est-ce pas? Il est vrai que les glaces ne se sont pas gênées pour emporter toute la boutique. Mais on m’assure que jamais personne n’a construit de chemin de fer sur l’Atlantique, et, comme je n’en ai pas vu, je n’ai aucune raison de supposer qu’on ait voulu me blaguer. J’espère qu’on me tiendra compte du fait que je parle de glace par une chaleur accablante comme celle dont nous sommes tous gratifiés. Si je puis réussir à jeter un froid sur mes compatriotes achalés, j’aurai bien mérité de la patrie. 1882, Le Canard, Montréal, 19 août, p. [2].
Ben voyons, t’es toujours achalé depuis quelque temps. Es‑tu malade? Ben oui, t’as toujours chaud. 1981, Chicoutimi, Corpus du Trésor de la langue française au Québec (enq.).
VieilliQui éprouve de la gêne ou de l’inconfort; qui ressent de la contrariété, de l’ennui ou du tracas.
Être achalé de qqch. Ne pas être achalée de qqn, de qqch.
Voici quelques échantillons des dépêches expédiées par M. Taillon aux abois pour trouver des ministres ainsi que les réponses qui les ont suivies. Honor. Garneau[,] Québec. Seriez ben fin si vouliez faire partie de mon ministère, suis pas mal achalé pour le composer. 1887, Le Canard, Montréal, 29 janvier, p. [2].
– Si l’on vous donnait quelque chose, voteriez-vous avec nous? – Non. – Cinq piastres? – Non. – Dix piastres? – Non, répétai‑je, arrangez-vous avec ma vieille. Je me suis trouvé pas mal achalé de tout cela. C’est pourquoi je l’ai envoyé à ma femme. 1888, Le Nord, Saint‑Jérôme, 2 février, p. [2].
Écoute, Ladébauche, me dit la p’tite reine en se prenant une moyenne mâchée de gomme d’épinette, si tu étais achallée comme je le suis par la visite, j’sais pas si tu aurais une belle façon. 1918, La Presse, Montréal, 23 novembre, p. 8.
Armand B. est achallé des filles car elles se tiennent toutes à sa porte pour le guetter, surtout Alma D. 1921, Le Samedi, Montréal, 12 mars, p. 28.
Je ne voudrais pas pourtant faire comme ma sœur qui a quitté la maison à cause de notre père et causer du trouble et je ne voudrais pas non plus abandonner ceux que je soutiens mais donnez‑moi un bon conseil car, franchement, je suis « très achallé ». 1932, Le Petit Journal, Montréal, 31 janvier, p. 30.
Fridolin : À propos, avez-vous vos coupons? John : Des coupons! (Ils sortent ‘achalés’, les livrets de leurs poches). Sam : Tu parles d’une achalanterie... Fridolin : Ben quoi! Gueulez pas contre le rationnement : faut bien faire quelque chose pour encourager l’industrie naissante du marché noir... 1944, Gr. Gélinas, Si j’étais king! (sketch), Fridolinons ’44, p. 7 (radio).
Rendu à minuit, le diable cogne à la porte. – Lève‑toi, Tit‑Jean. – Oui (entrez). Il s’habille et le diable dit : – Viens avec moi. Il l’emmène dans sa chambre. – Tiens, tu vas te marier, hein, Tit‑Jean? – Moi, les filles je suis pas achalé de ça. Je m’en foute bien des filles. 1976, J.‑Cl. Dupont, Contes de bûcherons, p. 88.
Fig. (Hapax). Qui est bouleversé, perturbé.
Ça fait, continua M. Pomerleau, qu’il y a toujours eu une clause dans tous les papiers qui se sont faits depuis ce temps‑là, pour [q]ue toutes nos lois et nos coutumes soyent pas dérangées ni achalées. 1915, Le Devoir, Montréal, 15 mars, p. 1.
loc. adj. Fam.Pas achalé(e) : qui n’a pas de retenue, qui est désinvolte, sans‑gêne.
Pas achalée pour cinq cennes.
(Avec valeur méliorative). Qui fait preuve de cran, d’audace, de débrouillardise.
Armand D., es-tu payé pour bavasser sur les autres? – C. D. est-ce que R. a payé ton permanent avec des « pitons »? – Annette, quand tes bas bruns auront des petits, tu me garderas les moins déchirés – C. D., pourquoi tes parents vont‑ils à la messe de dix heures? – Odilon L., combien es‑tu payé pour « spotter » au coin de la rue? – On dit que Armand et André ne sont pas achalés. 1933, Le Canard, Montréal, 23 avril, p. 6.
D’abord, à quatorze ou quinze ans, ils se croient obligés de quitter l’école, quand ils ne l’ont pas fait avant. Ils en ont par dessus la tête de se promener avec des livres qu’ils n’étudient pas. Ils ont hâte de faire leurs « hommes », d’afficher une attitude « pas achallée ». 1941, Ch.‑H. Beaupray, Les beaux jours viendront..., p. 81‑82.
Ah Kiri, vraiment tu te plais à me torturer la conscience. Car j’en ai une tu sais, malgré mon allure « pas achalée » et mon esprit d’apparence « extra large ». Kiri, tu ne me croiras pas, mais cette fois tes paroles me sont allées droit au cœur. 1950, Le front ouvrier, Laprairie, 2 décembre, p. 12.
Elle dit : « As‑tu de quoi à manger, seulement? » « Ah, il dit, oui, j’ai de la galette ici, dans mon sac. » « Bien, elle dit, donne-moi-z-en, j’ai faim, moi aussi. » Ça fait qu’il lui donne le sac […], elle était pas achalée, elle. 1954, Grande‑Anse (Gloucester), AFEUL, L. Lacourcière 1902 (âge de l'informateur : n. d.).
Gus : T’es ben sûre que tu le reverras pas, Bernie? Yoland : J’en sais absolument rien. [...] Tout ce que je sais c’est que je fais affaire avec son avocat entre temps. Ti-Lou : Pas achalé, le Dugal. Il se paie un avocat à cette heure? Yoland : Ben, les avocats, c’est fait pour s’en servir, non? 1962, J. Daigle, Margot, 2 janvier, p. 5 (radio).
Boucher dit des tas de trucs sérieux sur un rock moqueur, parce que le rock est devenu le véhicule obligé pour qui cherche à se faire écouter. « Dehors, allumeur de conscience! Réveilleur de morts, dehors! » chante-t-il crânement, conscient du danger qui guette les artistes intelligents. Car il faut du chien pour rocker du joual à message! « Deviens‑tu c’que t’as voulu? Deviens‑tu c’que t’avais vu? Deviens‑tu c’que t’aurais pu? » Pas gêné, pas achalé, il ose quelques caricatures féroces, un genre qu’on n’avait pas entendu depuis... Charlebois : « Je suis un crotté, un égocentré, je suis un pas d’cœur, un pas d’classe, un charmeur... » (La désise). 2000, Le Soleil, Québec, 13 juillet, p. A2.
C’était dans les années 40, au moment où la population du village participait aux travaux devant conduire au remplacement de la chapelle qui desservait la communauté depuis les premiers jours de son existence. Devenue trop exiguë, celle‑ci était également difficile à chauffer, même après l’installation de deux poêles à bois à l’arrière et d’un autre dans le chœur, ce qui avait incité les paroissiens à appuyer le projet de construction d’une église. « Les cultivateurs n’étaient pas achalés, dans le temps. Le bois est venu des chantiers coopératifs et pour acheter l’orgue et les trois cloches, tout le monde s’est cotisé », raconte l’homme de 96 ans, qui était alors un jeune père de famille. 2000, Progrès‑Dimanche, Chicoutimi, 26 novembre, p. A55.
Un partisan [d’un pilote automobile] pas achalé pour cinq cennes a alors enjambé le gardefou [sic] pour aller demander à son préféré, toujours sanglé dans sa voiture, d’autographier sa casquette! « Euh, je voudrais bien, mon vieux, mais je suis un peu occupé », a répondu [le pilote] à l’hurluberlu, en gardant le bouton de sa radio bien ouvert pour que tout le monde l’entende! 2007, Le Journal de Montréal, 13 août, sports, p. 102.
Rare(En tournure positive).
La belle princesse sort, elle dit : – Tiens! Tit‑Jean, tu as encore un beau petit cochon! Comment tu le vends? Il dit : – Il est pas à vendre, il est à gagner, belle princesse. Elle dit : – Qu’est-ce que tu veux? – Bien! il dit, relevez votre robe un peu plus haut que l’autre jour. Elle dit : – Tu es achalé, Tit‑Jean, qu’est‑ce que ça va te donner, Tit‑Jean? – Ah! bien, ça va me donner, moi... Elle dit : – Seigneur! je la lèverai bien, ça me fait bien rien, Tit‑Jean. 1954, L’Anse-Saint-Jean (Le Fjord-du-Saguenay), C. Laforte, Menteries drôles et merveilleuses, 1978, p. 109.
Histoire
I1Depuis 1746. Cet emploi est à mettre en relation avec achaler « attiser (un feu) », qui est attesté en français québécois depuis 1855 et qui constitue un héritage des parlers de France (v. ce mot, sens I.1, et Hist.). 2Depuis 1882. Cet emploi a été relevé aussi en Acadie (v. CormAcad) et en Louisiane (v. HurstStCh et DLF). Héritage des parlers de France; relevé dans des parlers de l’Ouest et du Nord‑Ouest (v. FEW calēre 2, 83a); cp. achalai « être accablé de chaleur » en poitevin).
II1Depuis 1887. Dans cet emploi, le mot a été relevé en poitevin (v. RoussPoit2, s.v. achaler : Le voisin avec ses neuf enfants est diantrement achalé). 2Depuis 1933. Probablement hérité des parlers de France; cp. parlers du Nord‑Ouest de la France, où l’on relève aussi la variante point achalé (v. CormMauges, s.v. achaler; v. aussi DottMaine 5 et VerrAnj, s.v. achaler).