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ACCOTER [akɔte]
v.

Rem.

Variantes graphiques : acoteracotteraccotter.

I

Appuyer (concrètement).

1

v. tr. Placer (qqch., qqn) de manière à lui fournir un point d’appui.

2022, TLFQ, Échelle qu'on accote contre un mur [vidéo].

Accoter une échelle à, contre, après un mur. Accoter un enfant sur une chaise. Accoter sa tête sur qqn.

SYN. appuyer.

Rem.Accoter s’emploie aussi pronominalement, notamment dans s’accoter sur, après, à, contre qqch. ou qqn; il a alors le sens de « se placer, être placé de manière à prendre appui », comme en France. Cet emploi a été critiqué et considéré à tort comme particulier au français du Québec (voir Histoire). Au Québec, s’accoter est par ailleurs souvent suivi d’un complément d’objet direct désignant une partie du corps (s’accoter la tête, les mains, les coudes, les pieds), construction que les dictionnaires français ne relèvent pas.

Le Groux acotta son fusil contre un cèdre qui se trouva là par hasard [...]. 1830 env., L.-P. Cormier (éd.), Jean-Baptiste Perrault, marchand voyageur, 1978, p. 132.

Q. : Est-ce qu’il [un marchand de bois] se servait du terrain? R. : Il accottait ses croûtes sur le pan du mur. Q. : Savez-vous s’il accotait ça aussi haut que les chassis? R. : Le chassis, c’est à peu près dix pieds... le petit chassis que j’ai vu... 1897, Québec, BAnQQ, Cour d’appel (Québec), cause no 6 (1898), factum de l’intimé, p. 131-132.

[...] elle [la manchote] se mit à quatre pattes tranquillement et rampa presque pour boire. Elle accota ses deux moignons sur les bords de l’étang [...]! 1971, Notre-Dame-du-Laus (Labelle), R. Lalonde, Contes de la Lièvre, 1974, p. 95.

C’est sur la pointe des pieds qu’on accote nos bicycles sur le coin de la véranda [...]. 1973, R. Ducharme, L’hiver de force, p. 261.

Par après, il s’est retourné et s’est mis à pleurer, vaincu par l’émotion, en accotant sa tête sur celle d’un confrère [...]. 1989, Le Journal de Québec, 21 avril, p. 3.

En raison de sa petite taille, un banc à trois marches lui a été offert pour atteindre ses outils et les endroits difficiles d’accès. De plus, dans ses classes, il dispose de chaises munies de deux tablettes afin qu’il puisse accoter ses pieds. 2010, A. Pouliot, Progrès-dimanche, Chicoutimi, 28 novembre, p. 3.

2

Pousser qqn, le maintenir de force contre un objet (le plus souvent un mur); acculer qqn.

Accoter qqn sur, à, contre, dans un mur.

Rendu à une extrémité de la salle, le second du Marie-Céleste accota son homme sur le mur et commença à lui jouer des poings dans la figure. 1893, A. Fortier, Les mystères de Montréal, p. 124.

« M. Ovide a fessé sur moi et je suis tombé. Je me suis relevé et je lui ai mis mes pieds dans la face. Puis je lui ai mis mes pieds dans la face encore. Ensuite, je l’ai poigné, puis je l’ai accoté sur le mur et je lui ai donné 4 ou 5 bonnes claques [...]. » 1949, La Tribune, Sherbrooke, 8 août, p. 10.

« Pierre était au téléphone avec le 9‑1‑1 lorsque le gars a commencé à cogner à la porte de notre logement en gueulant. Je ne voulais pas que Pierre sorte. Avec sa grandeur, il n’était pas ‛amanché’ pour se battre. Je l’ai tiré par le bras, mais déjà, il était dans le corridor et ça parlait fort. Le gars l’a accoté sur le mur et a commencé à frapper. Il bûchait sans arrêt. Quand il a lâché prise, Pierre est tombé par terre. Du sang lui sortait par la bouche et le nez. Deux minutes plus tard, il ne respirait plus. » 1993, Le Journal de Québec, 24 février, p. 3.

[Il] avance qu’un policier s’est approché de lui et de ses amis de Shawinigan pour leur demander de circuler ou de reculer, avec leur banderole d’encouragement des Cataractes. […] « J’ai dit au policier qu’il n’était certainement pas un partisan des Cataractes et il m’a immédiatement arrêté […]. Il m’a accoté sur le char. Je voulais savoir pourquoi il m’arrêtait, mais il me disait de fermer ma gueule. Il m’a ensuite renversé sur le sol pour me passer les menottes. » 2011, Le Soleil, Québec, 21 avril, p. 13 (actualités).

Le 1er mai, vers 10 h, comme chaque semaine le travailleur de Postes Canada est entré dans un immeuble à logements de la rue Julie […] pour y déposer les lettres. Cette fois‑ci, il n’a pas eu le temps de compléter sa livraison, car au moment où il a ouvert le panneau des boîtes postales, deux hommes sont entrés dans l’immeuble pour l’accoter au mur et lui voler ses clés. 2015, Métro (site Web), Montréal, 4 mai.

« Le couple s’est chicané en raison d’une crise de jalousie de monsieur qui a tenu des propos déplacés à l’endroit de la victime avant de la pousser fortement. Elle est tombée au sol. Alors qu’elle tentait de se relever, il l’a repoussé [sic] et elle est tombée de nouveau. Ensuite, il l’a relevé [sic] pour la prendre par les épaules et l’accoter contre le mur », rapporte le procureur de la Couronne […]. 2019, L’Avantage (site Web), Rimouski, 4 avril.

Fig. Acculer qqn; mettre qqn au pied du mur, lui enlever toute échappatoire, le mettre dans une situation sans issue.

Accoter qqn au mur, au pied du mur.

Il faut nous réveiller tandis qu’il est encore temps, nous devons accoter nos députés au mur, les faire s’engager publiquement et il faut qu’ils tiennent leur promesse si non [sic], on saura quoi faire aux prochaines élections ou peut-être avant! 1976, Le Guide, Sainte-Marie (Beauce), 7 juillet, p. 4A.

« C’est fini ce temps-là, lance [le ministre] Picotte. C’est fini le temps de prendre le ministre, puis d’essayer de le mettre en otage puis de l’accoter au pied du mur; ils n’ont pas le gars qu’il faut ici; ils vont se tromper cette année. Ça va jouer assez ‘tough’ merci. […] » 1991, Le Devoir, Montréal, 14 novembre, p. [A5].

[…] l’administration municipale a mis du temps à procéder [à l’installation de panneaux de signalisation]. « Les pancartes n’ont pas été posées tout de suite quand ils les ont eues, ça leur a pris plus qu’un mois. Il a fallu qu’on les accote au pied du mur », explique [une citoyenne]. 2001, L’Œil régional, Longueuil, 21 juillet, p. 3.

« On nous a accotés à un mur, a répondu le maire. Comment ça se fait qu’on n’ait pas le vrai chiffre (sur les élèves touchés [par une relocalisation])? Pourquoi la commission scolaire, pourquoi les dirigeants ne nous ont pas donné un coup de fil? » 2016, La Voix de l’Est, Granby, 6 avril, p. 4.

 Raccoter v. tr. et pron. (S’)appuyer de nouveau.

Raccote-toi la tête sur mes genoux, bouge pas. Fais encore un petit somme. 1977, Cl. Légaré (éd.), La bête à sept têtes, 1980, p. 193.

 Accote-pieds n. m. Pouf. (PPQ 126x, BergSuppl 1981).

 Fam.Accote-toué-donc n. m. Personne, chose sur laquelle on peut s’appuyer. (Lorent, Bergeron).

2021, D. Vachon, Homme appuyé sur un accote-toué-donc, à Québec [photo], TLFQ.
3

v. tr. Soutenir (qqch.) au moyen d’un étai, d’un étançon, ou en servant d’étai, d’étançon; par ext. retenir, fixer, bloquer (qqch.).

Accoter un mur, un édifice, une barrière, une clôture. Accoter une porte.

Pour leur donner à penser que nous avertissions les Sauteux de venir a notre secours; Smith a accoté la porte de la maison avec trois pacquets, en cas qu’ils voulussent l’enfoncer et tirer dedans[,] pour pouvoir aller & venir aussi avec plus de seureté dans la maison et arrêter l’effet des bâles [= balles][.] 1804, M. Curot, Journal, Folle Avoine, Rivierre Jaune [ms.], ANC, Collection Masson, MG 19, C 1, vol. 2, p. 38 (Corpus Vézina).

[...] il faudra mêsttre les portes de La grange et bien les accoter, mais pour Les pentures on les posera aussitot qu’on pourra les envoyer aux premieres glaces. 1826, J. Papineau, Rapport des Archives du Québec pour 1951‑1952 et 1952‑1953, p. 241.

Q. : Pour condamner le chemin[,] qu’est-ce qui a été fait? R. : On posait des clôtures en pierre, des logs. Partant de la route il y avait une barrière, la barrière était accotée avec des gros piquets de frêne plantés dans la terre, après ça des grosses logs de merisier et d’autres sortes de bois. 1883, Arthabaska, BAnQQ, Cour d’appel (Québec), cause no 24 (1884), factum de l’intimé, p. 6.

Après une course d’un mille, j’arrive à mon campe essoufflé, à moitié mort de fatigue, vous pensez bien. Je me renferme dedans en accotant la porte comme il faut en cas qu’elle [une ourse] essaye de la défoncer. 1961, Chambord (Lac-Saint-Jean-Ouest), Saguenayensia, vol. 3, no 2, p. 34. 

(Absol.) Techn. Fournir un appui tenant lieu d’enclume (dans une opération de clouage, de rivure).

Accoter avec une tête de hache.

  Techn.Accoteur n. m. Aide qui retient l’appui tenant lieu d’enclume.

Après que la bâtisse était au niveau, que les assembleurs avaient passé, les riveurs commençaient à river. Puis là, le rivet, ça prenait quatre hommes. Ça prenait un homme pour runner la machine, le riveur, l’accoteur, puis l’homme qui pogne les rivets, et puis le chauffeur pour chauffer les rivets. 1963 env., île aux Coudres (Charlevoix-Ouest), AFEUL, 1963, P. Perrault 291 (âge de l'informateur : n. d.)

4

v. intr. (En parlant de qqch., souvent dans accoter après, sur qqch.). Trouver, prendre appui sur ou contre (qqch.).

 Spécial. Entrer en contact avec, frotter contre (qqch. qui fait obstacle).

La porte accote après le cadre.

Q. : Où étaient rendus les travaux [de construction de la chaussée] quand vous y êtes allé [...]? R. : [...] ils étaient après poser les premières lignes de pièces, qui accotaient sur le plateau le long de l’écart [= écore]. 1883, Québec, BAnQQ, Cour d’appel (Québec), cause no 2, mémoire de l’appelant, p. 19.

Du moment que la porte de cour était ouverte, elle accottait sur la shed. 1897, Québec, BAnQQ, Cour d’appel (Québec), cause no 6 (1898), factum de l’intimé, p. 62.

[...] puis là [à la hauteur d’un gouffre], le courant accote après l’autre batture, là, puis ça tourne, là, ça viraille, là. [...] le courant, il s’en vient, puis il accote après la terre, après la batture là‑bas, alors faut que tu remontes, le courant, là. Ça fait une tornade, ça. 1961, Petite-Rivière-Saint-François (Charlevoix-Ouest), AFEUL, P. Perreault 99 (âge de l'informateur : n. d.).

Laurent : Il [un bateau abîmé d’un côté] est plus beau de ce bord-citte que de l’autre bord. [...] Nérée : [...] Ah ça!... c’est parce qu’il a accoté, hein! Laurent : [...] Ouin! Il a accoté quelque part, certain. 1966, île aux Coudres (Charlevoix-Ouest), P. Perrault, Les voitures d’eau, 1969, p. 15‑16.

« J’ai monté à cheval jusqu’à mon sixième mois de grossesse; j’ai arrêté parce que la bedaine m’accotait sur le pommeau! » 2001, La Tribune, Sherbrooke, 2 août, p. D1.

« Quand les grosses embarcations quittaient le bassin [de la marina] pour être remontées sur les remorques, le fond du bateau accotait sur le lit de gravier, ce qui rendait la manœuvre plus difficile. » 2009, L’écho de Frontenac, Lac-Mégantic, 8 mai, p. 5.

« […] J’ai été hospitalisé 13 jours. Mon cœur était 25 % plus gros que la moyenne. Il accotait sur mon poumon. Le ventricule gauche du cœur n’arrivait plus à faire adéquatement son travail. » 2015, Journal Le nord-côtier, Sept‑Îles, 30 septembre, p. 10. 

Confiner, toucher (à).

Il monte sur leur terre, leur terre accotait à la grande forêt. 1973, East Broughton (Beauce), AFEUL, M. Gagné 1545 (âge de l'informateur : n. d.).

 v. tr.

La terre accote le trait-carré. 1985, T. Lavoie, Les parlers français de Charlevoix, du Saguenay, du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, t. 1, Q 831.

5

v. tr. ou pron. Vieux(S’)accoter l’estomac : (se) remplir l’estomac, (se) rassasier.

 Par ellipse (S’)accoter.

Il ne fallait pas manquer une si belle occasion de m’accoter l’estomac avec un bon souper et de me gargariser la dalle avec de bonnes liqueurs. 1879, Le Vrai Canard, Montréal, 8 novembre, p. 2.

[...] avec la minoterie à cylindres et le blutage moderne c’est, sauf votre respect, la meilleure partie du blé qui s’en va vers l’auge... et c’est à coups de pilules qu’on doit pousser à travers l’intestin le pain d’à cet’ heure! L’autre [le pain d’autrefois] vous accotait l’estomac bien mieux... et savait faire son chemin tout seul! 1926, G. Bouchard, Vieilles choses, vieilles gens, p. 76.

Coach : Pis ensuite de ça... une bonne douche froide... pis après, trois fois le tour du bloc en courant... Pierrot : Trois fois? Pis ensuite? Coach : Ensuite, un bon snack... Du bon stuf solide pour que ça t’accotte... 1944, J. Laforest, Pierrot Latulipe, 22 décembre, p. 5 (radio).

II

Appuyer (abstraitement).

1

v. tr. Fam.Accoter qqn : apporter son appui à qqn, lui fournir un soutien, une protection.

SYN. appuyer.

 Par ext., Vieux Accoter une motion, une proposition, y donner son appui.

Les voisins du voisinage, victimes comme moi des avanies de notre police, m’accotent de leur témoignage pour vous prier de ne plus laisser courrir [sic] dans les rues de Québec cette race enragée qui massacre, enchaîne, tourmente, et rend la vie amère à vos bons sujets, prend leurs chevaux, fait payer pour ne pas les ravoir et fait mal penser de votre sage gouvernement. 1840, Le Fantasque, Québec, 23 mars, p. 112.

« [...] Amène des aides pour t’accoter parce qu’il va y avoir du sang de répandu ». 1935, Chicoutimi, Saguenayensia, vol. 10, no 3, 1968, p. 77.

Séraphin : On se trouverait moi, le père Ovide pis vous de contre le gros docteur pis le marchand Lacour. Le maire Todore pourrait pas voter. On passerait les motions qu’on voudrait. Josaphat : Ben sûr, monsieur Poudrier, ben sûr. J’vous accotte au coton. 1944, Cl.‑H. Grignon, Un homme et son péché, 6 octobre, p. 3 (radio).

– Si ça passe à l’assemblée à soir, affirma hautement le conseiller, mon nom est pas Didace Vigeant! – J’t’accote, déclara Tancrède. – J’vas être accoté par tout le monde intelligent, dit le conseiller Vigeant. On n’est pas pour laisser faire une pareille folie. 1951, Y. Thériault, Les vendeurs du temple, p. 136.

Je suis une fille qui écrit des revues. [...] Je remercie les comédiens et musiciens qui m’ont « accotée », qui ont apporté leur talent, leur création, leurs idées, qui ont enrichi chacun de ces spectacles. 1973, Cl. Des Rochers, La grosse tête, p. 15 (avant-propos).

Je vais chercher mes lecteurs un à un. Comme en politique. J’ai une base de lecteurs qui m’accotent même quand je fais des choses pas conventionnelles. 1993, J. Nadeau, La Tribune, Sherbrooke, 30 avril, p. B2.

La rencontre s’affichait comme une victoire pour Roland, qui raccompagna ses invités dans la cour où les rires et les poignées de main firent bon ménage. – On t’accote, mon Roland! résuma Paul-Ernest au nom du groupe. On t’accote à condition d’avoir de la garantie! [/] Cette garantie, la seule que Roland pouvait fournir depuis qu’il n’avait plus l’appui des Bellehumeur, c’était la ferme et ses quatre cents acres de terre qui ne lui appartenaient toujours pas. 2017, F. Duval, Le souffle du dragon, p. 72.

 v. pron. (Récipr.).

Six jours après sa grosse colère il disait à son ami qui songeait à lui rembourser la somme en empruntant ailleurs : [...] – N’en parlons plus... laissons les questions d’argent de côté... Entre amis, faut s’accoter... 1932, Fr. DesRoches, Pascal Berthiaume, p. 9.

2

v. pron. Vieilli S’appuyer, se fonder (sur qqch. ou qqn).

Plaignons-nous, braillons fort; les juges, ne pouvant s’accoter sur aucun dictionnaire, nous donneront peut-être le bénéfice du doute et de nos jérémiades! 1931, Le Goglu, Montréal, 6 février, p. 5.

Je vous parlais justement, l’autre jour, des prophètes qui sont toujours en train de nous dire ce qui va arriver et qui peuvent jamais nous dire sur quelle raison ils peuvent ben s’accoter pour nous le dire. 1941, É. Coderre, Les commentaires de Jean Narrache, 18 septembre, p. 2 (radio).

Il y a un demi‑siècle, on a commencé à s’interroger sur l’opportunité de rapatrier une constitution sur laquelle s’accotait pompeusement l’Angleterre. 1976, Le Soleil, Québec, 9 mars, p. A4.

« La maternité a été une embellie pour moi [Isabelle Boulay]. Oui, ça a transformé quelque chose au fond de moi et désormais, ma voix s’accote sur cette certitude-là, au fond de moi. » 2010, Le Nouvelliste, Trois‑Rivières, 13 novembre, p. E3.

III

Égaler.

1

v. tr. Fam.Être égal ou supérieur à, rivaliser avec.

Les Québecquois, vous savez, c’est du bon monde, y a pas de soin. Pour être hospitaliers, c’est ben court, j’en connais pas pour les accoter. 1912, La Presse, 3 février, p. 4 (chron. humor.).

Y a pas à tortiller, Catherine, Montréal c’est une paroisse qui est en train de devenir à la mode pas pour rire. C’est vrai, m’as dire comme on dit, qu’il n’y a pas autant de divorces qu’à Londres ou à New‑York, quoiqu’on peut accoter n’importe quelle paroisse sous le rapport des meurtres, des pick‑pockets et autres agréments dans les mêmes numéros[.] 1921, La Presse, Montréal, 5 novembre, p. 8 (chron. humor.).

Pis, le v’là [un Américain] qui se met à sacrer comme j’en ai pas entendu souvent. Ça aurait pris un bon canayen pour l’accoter. 1936, A. Laberge, Visages de la vie et de la mort, p. 238.

Là on a ri à notre goût. [...] On avait compris que vous seriez peut-être ben jamais un fameux chasseur, mais qu’on aurait de la misère à vous accoter sur les histoires de chasse. 1947, G. Guèvremont, Marie‑Didace, p. 235‑236.

[...] elle se mit à la recherche d’un endroit sombre et frais où elle pourrait tranquillement attendre la noirceur. Quelque chose comme une église mais sans l’odeur de l’encens et le poids de la religion, quelque chose comme une taverne où les femmes pourraient s’asseoir à côté des hommes et leur prouver qu’elles pouvaient les accoter n’importe quand. 1989, M. Tremblay, Le premier quartier de la lune, p. 233.

M. Courville n’est pas surpris que certains de ses membres [du syndicat] soient allés voir si le gazon était plus vert ailleurs. « Il y a beaucoup d’emplois de disponibles à Granby. Un salaire horaire de 12,70 $, ce n’est pas dur à accoter. Et quand votre employeur est intransigeant et qu’il ne vous respecte pas… » 2006, La Voix de l’Est, Granby, 12 septembre, p. 7.

Prenez le critère de l’« équité externe » qui doit guider les arbitres lorsqu’ils ont à régler un litige avec les policiers. En gros, ça veut dire qu’ils doivent accoter les conditions de travail des agents les mieux payés de la province. Il suffit donc qu’une municipalité lève la barre... pour que les autres soient forcées de suivre! 2014, La Presse, Montréal, 23 août, p. A11.

Bien que Xavier Dufour-Thériault porte la majeure partie de l’aspect créatif de l’album sur ses épaules, il ne l’a pas fait complètement seul. Il voulait cependant conserver une façon de travailler presque confidentielle dans l’enregistrement. « De nos jours, c’est facile avec un ordinateur et une carte de son, d’accoter le son des grands studios, qui étaient impératifs à une certaine époque pour avoir un bon produit fini. […] » 2020, S. Bouchard, Le Quotidien numérique (site Web), Saguenay, 14 février.

 v. pron. (Réfl.). Vieilli Se mesurer (avec qqn d’autre).

– J’sais pas comment c’est que le père Phydime vous demande pour faire un solage. En seulement moi, vous me donnerez une piasse de plusse. [...] – C’est ben correct, répond le docteur. Je te donnerai une piasse de plusse qu’au père Phydime. Fais-moi un beau solage par exemple. – Craignez pas. Numéro un. J’ai pas peur de m’accoter avec lui. 1948, Cl.‑H. Grignon, Le père Bougonneux, Le Bulletin des agriculteurs, mai, p. 66.

 (Récipr.). Être de force égale, se valoir.

En mathématiques, ils s’accotent.

2

v. tr. Vieilliou région. Aux cartes, faire une mise égale à celle d’un adversaire afin de pouvoir rester dans le jeu.

J’ai parlé de dix cents; m’accotes-tu?

 accorder (sens II.1).

 (Absol.). Accotes‑tu?

Rem. À la fin du XXe s., relevé surtout dans les régions de Québec, de Charlevoix et du Saguenay–LacSaintJean.

Mme Brindavoine. – Cinq sous. [/] Mme Duplumat. – Cinq de mieux. [/] Mme Citronneau. – Je « raise » de cinq autres après. [/] Mme Grosbonnet. – J’accote. [/] Mme Brindavoine. – Trois cartes. 1908, A. Bourgeois, La Presse, Montréal, 17 octobre, p. 8.

IV

v. pron. Fam., souvent péjor.Se mettre, vivre en concubinage.

 accotage.

« Le mariage corrompt l’amour, dit-elle encore, et le fixe dans un cadre qui empêche l’épanouissement. » Elle [la femme ultra-moderne] va même jusqu’à prétendre que le mariage achemine à la cruauté mentale. Elle aime discourir sur le divorce et apporter des statistiques. Pourquoi le mariage? Vaut mieux ‛s’accoter’ ou ‛s’accoupler’. On verra dans quelques années si ‛l’accotage’ a la stabilité du mariage. « La vie a changé, nous répète-t-elle, il faut donc changer des structures qui ne répondent plus à nos nouveaux besoins. » 1969, Relations, no 340, juillet-août, p. 205.

Bien la plupart des jeunes aujourd’hui, ils s’accotent, tu sais, ils s’accotent; ça fait que ils restent en appartement puis ça veut plus tellement se marier [...]. 1971, Montréal, Corpus Sankoff-Cedergren 99‑186.

Bébée s’est amenée la première pour pouvoir manger les chocolats et les fruits qui débordent des paniers. [...] Depuis qu’elle a quitté la maison pour aller s’accoter avec un auteur de bandes dessinées elle n’a plus grand-chose à se mettre sous la dent. 1981, J. Godbout, Les têtes à Papineau, p. 146.

[...] si on ne peut vivre sans âme sœur, mieux vaudrait s’accoter que de se marier, exception faite des valeurs sociales, religieuses et morales inhérentes au mariage. De plus en plus de gens le pensent. 1983, Le Soleil, Québec, 2 février, p. A14.

Car voyez-vous les gens de ma génération, plusieurs d’entre nous, ben au lieu de se marier, on s’accotait. Ça fait qu’on leur a pas donné une [sic] ben ben bel exemple à ces jeunes-là. 1999, La Revue, Terrebonne, 9 juin, p. B3.

L’immigré devra cesser de s’habiller en noir pour aller à des funérailles, ici on y va en jean. Il sera fortement incité à ne pas se marier – ici, on s’accote – et à se conformer au modèle québécois en ne faisant pas d’enfants. 2007, L. Gagnon, La Presse, Montréal, 27 octobre, p. 5.

Je me suis marié une fois, puis me suis accoté sans succès. 2008, V.‑L. Beaulieu, Le Devoir, Montréal, 28 novembre, p. B10.

« S’accoter » pour « faire comme si » pendant des décennies, non merci! L’engagement vers un futur éternel, non merci! La monogamie en série, vous connaissez? Monogamie, cette vertu conjugale voulant qu’un individu se préserve, reste exclusif et se contente d’un seul partenaire à la fois. Série, comme dans une suite de nombres se cumulant ou s’additionnant. De ce fait, vous comprendrez que je fais ici référence à cette tendance ô combien visible de collectionner les relations amoureuses. Collectionner, comme dans l’une après l’autre. Des chums et des blondes, vous en avez eu combien à ce jour? 2019, M. Bouchard, Le Quotidien numérique (site Web), Saguenay, 22 février.

Par métaph.

[...] sur le plan personnel, la jeunesse a la permission d’organiser sa vie sans trop d’obstruction. Mais sur le plan collectif, tu te fais insulter et matraquer dans les grandes largeurs, mon jeune, si tu refuses de t’accoter pour le reste de tes jours avec la grosse godiche aux yeux croches d’un océan à l’autre que papa Pearson a choisie pour toi sans te consulter. [...] La fiancée avec laquelle nous passerons notre avenir politique à nous, c’est nous qui la choisirons selon notre mentalité à nous, après l’avoir aimée en fonction de notre âge et non pas du vôtre, tenez-vous le pour dit! 1968, Gr. Gélinas, Hier, les enfants dansaient, p. 100.

 abander (sens 2).

VieilliS’associer (avec qqn) dans une affaire, une entreprise.

Tu vois bien que j’ai raison. [...] penses-tu que je sais pas ce que ça vaut, un ministre? Ça s’achète quasiment pas, un ministre... C’est pour ça que je veux... disons... balancer les affaires un peu. [...] Envoye donc, J. P., accote-toi avec moi. Tu le regretteras pas. 1977, B. B. Leblanc, Joseph-Philémon Sanschagrin, ministre, p. 41.

Fam., rare Avoir une relation sexuelle, s’accoupler.

Histoire

Issu du bas latin accǔbĭtāre « être étendu sur le lit de table », accoter a subi l’influence de accoster (dérivé de l’ancien français coste « côte », lui-même emprunté du latin classique cŏsta) avec lequel il s’est confondu du XIIIe au XVIIe s. par suite de l’amuïssement du -s- (v. TLF et BW5, s.v. accoter et accoster). Cette confusion ancienne est manifeste pour certains des emplois expliqués ci-dessous.

I1Depuis 1830 environ. Attesté en français de France depuis le XIIIe s. (d’abord sous les graphies acouter et acoueter, puis sous accoter depuis 1666, v. FEW 24, 88b-89a); considéré comme familier dès le XVIIIe s. (v. Fur 1727, s.v. acoter, et Gattel 1797, s.v. accotter), mais ne paraît plus guère en usage de nos jours (v. TLF « vieilli », DFC 1966-1980 « technique », PLar 2021 « Québec »; absent de RobMéth 1982; v. pourtant Robert (en ligne) 2021-01, qui donne le sens « appuyer d’un côté » comme moderne). Signalé par ailleurs dans bon nombre de parlers locaux, notamment dans ceux d’oïl (v. FEW 24, 89). S’accoter « se placer, être placé de manière à prendre appui » a cours en français depuis le XIIe s. (Governal s’accota à un arbre, v. Dochez 1860 et FEW 24, 88b; répandu en outre dans les parlers locaux, v. FEW 24, 89); en France même, cet emploi a donné lieu à certaines critiques, surtout lorsqu’il est utilisé à la place de s’appuyer (considéré comme moins familier, v. p. ex. BrunotHLF 4, p. 589, Richelet  1732, s.v. acoter, Besch 1847-1892 et Guérin) ou de s’accouder (v. p. ex. GrVoc 1767, s.v. accotter), ce dont rendent compte les relevés de certains glossairistes québécois. Accoter « acculer » (depuis 1893) a été signalé en picard (v. FEW 24, 89a; cp. aussi [akøte] « serrer contre un mur », v. EdmStPol 31). Raccoter « appuyer de nouveau » (depuis 1930, GPFC) a été relevé en lorrain (raicotá et raicôtè, v. FEW 24, 90a). 2Depuis 1893. Au figuré, depuis 1976. 3Depuis 1804. Attesté en français de France depuis 1542 (v. Godefroy, s.v. acoter; relevé par les dictionnaires depuis Nicot 1606, qui enregistre accoter une porte), mais considéré comme vieux de nos jours (v. GLLF, TLF et Robert (en ligne) 2021-01); bien attesté en outre dans les parlers d’oïl, notamment dans accoter une porte (v. p. ex. FEW 24, 89a, VivNant et RézVend 138). 4Depuis 1883. N’a pas été relevé comme tel ailleurs qu’au Québec; à rapprocher cependant de (s’)accoter v. intr. et pron. « se frotter l’une contre l’autre (en parlant de pièces d’horlogerie) », attesté en français depuis AcCompl 1842 (v. TLF). Pour accoter « confiner, toucher (à) », cp. acoster relevé dans le même sens en ancien français (v. Godefroy); cp. aussi accoter « joindre, annexer (à) » en français du XIVe s. (La terre et conté d’Amiens, anchois que acquise fust par les roys de Franche et accoté au demaine, v. GodCompl). 5Depuis 1879. Héritage des parlers de France; relevé en poitevin, tant dans (s’)accoter l’estomac que sous la forme elliptique (s’)accoter (v. DugPoit, s.v. acota, et BeauchPoit, s.v. acotter); cp. par ailleurs s’accoter le t(h)ieur [= cœur] « se réconforter, se restaurer » en poitevin et en saintongeais (ibid., DoussPays2 195).

II1Depuis 1840. Hérité de France; relevé en normand (v. MaizNorm, s.v. accouter); dans un emploi semblable, cp. en outre accoster en français du XVIe s. (Il ny aura aucun qui temerairement attaque ce riche en debat : quand il appercevra cestuy cy qui l’accoste, v. Huguet).  2Depuis 1931. Relevé en France sous la plume de M. Barrès au début du XXe s. (Le « mal du siècle » m’apparaît de plus en plus comme le malaise des déracinés qui ne peuvent plus s’accoter sur des mœurs héréditaires, v. TLF); attesté en outre dans les parlers du Poitou et de la Suisse romande (v. DugPoit, s.v. acota, et FavrSav 228).

III 1Depuis 1881 (Manseau 112). 2Depuis 1908. 

IVDepuis 1968 (dans un emploi métaph.; dès 1936 dans le dérivé accoté, v. ce mot, sens 5). En France, a été relevé dans le parler sarthois (département de la Sarthe, ancienne province du Maine, v. DepFrance, s.v. s’accoter); cp. aussi s’accoster « s’amouracher » dans un parler du Nord (v. FEW cŏsta 2, 1248a). Pour s’accoter « s’associer (avec qqn) dans une affaire, une entreprise » (depuis 1977), cp. s’accoter à qqn « écouter un autre, en suivre les avis » en poitevin (Ne t’accote pas aux mauvais sujets, v. RoussPoit2); cp. aussi s’accoster à qqn « se joindre à qqn » et s’accoster avec qqn « entrer en relations, se lier avec qqn » en français du XVIe s. (v. Huguet). Pour s’accoter « avoir une relation sexuelle, s’accoupler » (depuis 1986, dans Corpus TLFQ), cp. accoster « se rapprocher pour l’accouplement (en parlant de bêtes) » en français du XVIIe s. (v. FEW 2, 1247b-1248a).

 accoté, accotéeaccotableaccotageaccotoir; décoterattoquer.

Dernière révision : février 2021
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Trésor de la langue française au Québec. (2021). Accoter. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 28 mars 2024.
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