ACCORDER [akɔʀde]
v.
Établir une entente, la bonne entente entre des personnes.
v. tr. Vieilliet rareEngager (qqn) en vue du mariage, le fiancer.
v. pron. Se fiancer.
Les sauvages se marient fort jeunes; les parents de la fille sont priés par ceux du garçon d’accorder leur fille à leur fils et font en même tems un present suivant leurs moyens […]. 1709, A.‑D. Raudot, dans C. de Rochemonteix (éd.), Relation par lettres de l’Amerique septentrionalle, 1904, p. 67.
On dit d’un homme qui marie son enfant : « Monsieur un tel a accordé sa fille. » O ironie de la langue! Bien souvent la chère accordée ne s’accorde avec personne. 1879, Le Canard, Montréal, 26 juillet, p. 3.
Ma mère, je viens vous demander sans le savoir si je vais être accordée. J’ai bien calculé mon âge et j’aurai bientôt quinze ans. À cet âge, je veux bien croire qu’il me faudrait un amant. 1962, Saint‑Denis (Kamouraska), AFEUL, J. Dupont 104 (chanson folkl.) (âge de l'informatrice : n. d.).
– la fille : Une fille reste seule aussi longtemps qu’elle n’a pas quitté son père et sa mère et la chambre des fées. [...] – le père : Tu n’aimes pas ce pays de la mer entre les îles... et les saisons de la falaise?... – la fille : Je veux d’un pays où je deviendrai femme. – le père : Un phare n’est pas un mauvais endroit pour s’accorder. – la fille : Je ne m’accorderai pas avec les goélands. 1964, P. Perrault, Au cœur de la rose, p. 106.
Accordé, accordée adj. Qui vit en concubinage.
Être accordé. (PPQ 1892A).
v. pron. Fam.Accordez-vous donc, c’est si beau l’accordéon! (ou variantes) : se dit pour exhorter des personnes à établir ou à maintenir la bonne entente entre elles.
Rem.Comme en France, s’accorder a aussi d’autres sens, dont celui de « être ou se mettre en harmonie, en accord (avec qqn) » (p. ex. : les enfants s’accordent bien) (v. TLF).
2022, TLFQ, Bien s'accorder [vidéo].– Deux enfants se disputaient, un vieux monsieur passe : « Voyons, les enfants, accordez-vous donc, c’est si beau l’accordéon! » 1956, L’Union des Cantons de l’Est, Arthabaskaville, 2 août, p. 23.
En parlant de ce dernier [un chef de parti], un loustic qui le trouve antipathique déclarait : « Je le déteste tellement que je me réveille la nuit pour le haïr ». Voyons, voyons mon bon ami, accordez-vous donc, c’est si beau l’accordéon. 1965, L’Écho de Louiseville, 4 mars, p. 3.
Accordez-vous dont [sic] [/] C’est si beau l’accordéon [/] Et que la victoire soit fêtée [/] Au son des cloches et des carillons [/] Et des fanfares […]. 1972, Montréal-Matin, 14 mai, p. 14.
Dans son petit pamphlet publicitaire du temps des Fêtes, notre député fédéral apparaît sur une photo lors de l’inauguration d’une maison pour personnes âgées de la région, flanqué du maire et des responsables de l’endroit. Flanqué aussi de M. Dupré… mais on a omis de signaler sa présence dans le texte qui accompagne la photo. Une erreur sans doute! Sinon, la vieille souhaite, en ce début d’année, la réconciliation entre nos « chers » représentants. Accordez-vous donc, c’est si beau l’accordéon! 1982, Le Courrier de Saint‑Hyacinthe, 29 décembre, p. A2.
Sachez tous que dans mon cœur il y avait plusieurs tiroirs et une petite place y était pour vous tous. Essayez d’en faire autant et aimez-vous les uns les autres. « Accordez-vous les uns les autres, c’est si beau l’accordéon ». 1987, La Tribune, Sherbrooke, 2 mai, p. D11.
Dans certaines familles, le droit à la dissidence n’existe tout simplement pas. Si un parent prend une décision, les personnes en désaccord doivent ronger leur frein. Si une chicane survient entre les enfants et que le ton monte, un des parents exige le silence à l’aide d’un de ces clichés : « La chicane, c’est pas beau » ou « Accordez-vous donc, c’est tellement beau l’accordéon… » 2003, A. Samson, Famille inc., p. 50.
Accordez-vous donc, c’est si beau l’accordéon. Voilà en substance ce que dit le juge Brian Riordan, de la Cour supérieure, dans sa décision sur la cause opposant Vélo Québec Événements et Épreuves de la Coupe du monde cycliste féminine. 2006, Le Soleil, Québec, 21 janvier, p. A17.
Et là, elle m’a dit : « Regarde, pourquoi t’es capable de dire de gros mots à cent piasses comme ça devant moi, mais pas quand tu passes en entrevue pour sauver notre école? » Puis, ma grand-mère est arrivée et elle nous a lancé : – Accordez-vous donc, c’est si beau, l’accordéon. [/] Ce qui nous a laissées bouche bée quelques secondes avant d’éclater de rire. 2007, I. Desjardins, Le journal d’Aurélie Laflamme, t. 3, p. 257.
Voyons voir si le facteur cotes d’écoute, qui compte désormais pour 10 % dans la désignation d’un gagnant [aux prix Gémeaux], favorisera des émissions plus populaires. Pourvu, maintenant, que la bonne entente persiste. Accordez-vous donc, c’est si beau l’accordéon! 2015, R. Thérien, Le Soleil, Québec, 19 septembre, p. A6.
Mettre en harmonie, en conformité.
v. tr. Vieilliou région.Aux cartes, faire une mise égale à celle d’un adversaire afin de pouvoir rester dans le jeu.
(Absolument).
Il accorde.
Rem. Signalé un peu partout au Canada français au début du XXe siècle; à époque plus récente, relevé dans Montmorency, dans Charlevoix et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
J’y vas de trente sous; m’accordes-tu? 1930, La Société du parler français au Canada, Glossaire du parler français au Canada, p. 9.
v. intr. Vieilliou région.Battre, marquer, suivre la mesure d’une musique, avec les pieds ou avec les mains.
Accorder avec, sur la musique. Accorder du talon, du pied.
v. tr.
Accorder la musique avec ses pieds.
Rem. Signalé partout au Canada français au début du XXe siècle; à époque plus récente, relevé surtout dans Charlevoix et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Le danseur était un beau garçon [...]. Il poursuivait sa partneuse avec acharnement, lui tendant la main, l’invitant à s’arrêter un instant, un petit instant, toujours dansant, accordant, et battant l’aile de pigeon [= sorte de danse]. 1845, A. Poitras, Un bal de faubourg, La Revue canadienne, vol. 2, no 12, p. 140.
Puis, monsieur Pelletier [...] nous régala d’une gigue simple, que les invités ont accordée avec leurs couteaux sur les assiettes avec tellement d’entrain que la vaisselle en a été toute dévisagée sans bon sens. 1913, La Presse, Montréal, 11 janvier, p. 8.
Jean Barrette jouait du violon. Quand les danseurs n’accordaient pas, cela le choquait et il tournait le dos vers eux. 1936, Chicoutimi, dans V. Tremblay et É. Fortin, Mémoires de vieillards, no 149, p. 3.
Ça chantait [...], ça turluttait, ça giguait, le grand Willie Landry dansait à la claquette : un grand jack de six pieds quatre pouces. Y piétonnait ben, y accordait correct. 1976, B. B. Leblanc, Moi, Ovide Leblanc, j’ai pour mon dire, p. 180.
v. intr. VieuxMarquer, suivre le rythme d’un travail collectif qui s’accomplit en cadence.
[...] on a nagé [= ramé] contre le courant comme des malcenaires [sic] depuis sept heures du matin, avec tant seulement pas le temps d’allumer, et sans autre désennui que des sacres pour accorder sus l’aviron! 1892, L. Fréchette, Tipite Vallerand, La Presse, Montréal, 22 octobre, p. [4].
v. tr. VieilliSoutenir (un chant, un chanteur) avec un instrument de musique, l’accompagner.
Consentir à qqch.
v. tr. VieilliAccorder une demande à qqn, la demande, le désir, la requête de qqn : donner satisfaction à qqn en répondant favorablement à l’objet de sa demande, exaucer sa demande, son vœu.
[…] on l’entendoit plaindre nuit & jour de ce qu’il n’estoit pas Chrestien : moy pourquoy non Chrestien : moy pourquoy non baptisé? Il le demandoit avec instance au Pere Irenée qui ne le perdoit point de veuë; il ne vouloit ny boire ny manger qu’on ne luy eut accordé la demande. 1691, Chr. Le Clercq, Premier établissement de la foy dans la Nouvelle-France, t. 1, p. 213‑214.
Mr. Coffin […] a fait rapport à la Chambre que son Adresse de Vendredi dernier, à Son Excellence le Gouverneur en Chef, le priant de vouloir bien ordonner qu’il fût fait une avance de trois cens Livres courant, au Greffier de cette Chambre, pour lui donner les moyens d’acheter les Livres votés comme nécessaires pour la Bibliothêque de cette Chambre, avoit été présentée à Son Excellence, à qui il avoit plû de donner pour réponse qu’il se feroit un plaisir d’accorder la demande de la Chambre, et donneroit des ordres en conséquence. 1811, Journal of the House of Assembly, Lower Canada, p. 575.
L’intimé a fait motion pour qu’il lui fut permis de rouvrir son enquêtre [sic] [...]. Cette demande lui fut accordée [...]. 1879, Québec, BAnQQ, Cour du Banc du Roi/de la Reine (TP9, S1, SS5, SSS1, D1), cause no 1, factum des appelants, p. 7.
L’honorable M. Chapleau a répondu à la députation [des typographes] que malgré tout son désir d’être agréable aux employés de l’Imprimerie Nationale, il ne pouvait pas cependant leur accorder toutes leurs demandes. 1890, La Presse, Montréal, 20 janvier, p. [1].
Le Comité d’hygiène a porté récemment une plainte et le Conseil a accordé la requête des contribuables. 1920, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 5 novembre, p. 1.
– Guerrier, il dit, comment t’appelles-tu? – Sire, il dit, celui qui enlèvera mon masque aura droit à savoir mon nom. – [...] plus que [= puisque] t’invites une épée à aller te démasquer, il dit, on va accorder tes désirs. À qui l’honneur? 1962 env., Saint-Jean-Port-Joli (L’Islet), AFEUL, J. Dupont 314 (âge de l’informateur : n. d.).
v. tr. Accorder un contrat : adjuger un contrat d’entreprise.
Rem.1. Usité surtout dans la langue soignée; dans la langue courante, on dit plutôt donner un contrat. 2. En usage également en France, mais non relevé dans les dictionnaires consultés.
Tous les travaux devront être finis au quinze d’octobre prochain et il ne sera accordé aucun contract [sic] pour moins d’un mille de chemin. 1830, La Minerve, Montréal, 5 août, p. [4].
L’hon. M. Panet mit aussi devant la chambre des copies de deux lettres en réponse à l’adresse de la chambre du 23 courant au sujet du quai de Laprairie – savoir, une de M. J. Torrance, D. Torrance et J. Torrance au secrétaire civil, renonçant à l’avantage de la concession du terrain en question; et une de M. J. Stuart au même, l’informant qu’il n’avait pas accordé de contrat de concession des terrains en question. 1832, Le Canadien, Québec, 1er février, p. 3.
À mon arrivée en Angleterre, le comité de la chambre des communes, nommé sur motion du chancelier de l’Échiquier, aux fins de faire une enquête sur le système d’accorder les contrats des paquebots de la malle, était spécialement occupé du contrat de Douvres et Calais, et il était probable que l’étude de cette question prendrait le reste de la session. 1859, J. Rose, secrétaire provincial du Département des Travaux Publics, Documents de la session de la province du Canada : session 1860, vol. 2, p. 8‑58.
Il a fallu que les syndiqués de la Versatile-Davie accomplissent d’innombrables démarches pour l’obtention de ce contrat. Au début de mars dernier, pas moins de 800 travailleurs ont marché sur Ottawa afin de réclamer l’obtention de ce contrat qui finalement a été accordé à la Versatile-Davie de Lauzon à la fin de mars. 1986, Le Soleil, Québec, 18 août, p. A2.
Le ministère des Transports du Québec vient d’accorder six nouveaux contrats d’exploitation de haltes routières à autant de propriétaires de cantines mobiles. [...] Les détenteurs de ces contrats s’engagent à assurer l’entretien des haltes routières en plus d’y exploiter leur commerce. Un seul de ces contrats est accordé pour chaque cantine mobile. 1987, Le Soleil, Québec, 11 juillet, p. A9.
Modes d’adjudication [/] I. Prix uniquement : L’OBNL ou la coopérative ne peut accorder le contrat à une personne autre que celle ayant présenté la plus basse soumission conforme. 2020, Direction des infrastructures, des événements et de la gestion financière du loisir et du sport, Guide destiné aux organismes à but non lucratif (OBNL) et aux coopératives pour l’adjudication des contrats, p. 7.
Histoire
I1Depuis 1709. Cet emploi transitif a eu cours en français de France depuis le XVe jusqu’à la fin du XIXe s., époque où il a commencé à vieillir (v. FEW *accordare 24, 86a, et DG; donné comme vieux ou régional par la plupart des dictionnaires qui le relèvent encore, v. GLLF, PRobert 1989, Robert (en ligne) 2020‑12); relevé en outre dans bon nombre de parlers de France, notam. dans ceux du Nord-Ouest et de l’Ouest (v. FEW id.). 2Depuis 1956, mais dès 1945 sous une variante avec le verbe accorder à la première personne du pluriel : Mot de la fin [/] Celui de Roland [sic] Bédard : « Pourquoi se quereller? Accordons-nous donc… (Puis un grand soupir). C’est si beau l’accordéon… [»] (Radiomonde, Montréal, 1er décembre, p. 13; cette citation est reprise à peu de mots près le 3 décembre 1955, dans Radiomonde et Télémonde, p. 2). Expression plaisante prenant la forme d’un précepte populaire, accordez-vous donc, c’est si beau l’accordéon s’appuie sur un jeu d’assonance et d’allitération entre le syntagme accordez-vous donc et le subst. accordéon (assonance avec la suite a, o, é et on; allitération avec la suite c, r et d) ainsi que sur deux sens du verbe accorder, soit l’emploi tr. « mettre (un ou plusieurs instruments) au diapason » et son emploi pronominal signifiant « être, se mettre en accord, en harmonie » (v. Usito). Peu présente dans les ouvrages métalinguistiques consultés, l’expression est consignée dans DHFQ 1998, DesRExpr 2009 (s.v. accordéon) et C. Armange, Parlez-vous québécois?, s.v. Accordez-vous donc c’est si beau l’accordéon). Selon la source de 1945 citée ci-dessus, c’est le comédien Rolland Bédard qui l’aurait popularisée ou peut-être créée, du moins sa variante avec accordons-nous donc, qui en est manifestement à l’origine. Sans que l’on puisse la prouver à partir de la documentation disponible, cette hypothèse est vraisemblable, puisque cet artiste était effectivement très actif à la radio à cette époque, notam. dans le radioroman Rue Principale (1937‑1959) et l’émission Rolland Bédard et ses chansons (1941‑1948), diffusés par la station CKAC. C’est peut-être dans le cadre de cette seconde émission qu’il aurait prononcé son précepte à saveur humoristique. Le périodique Radiomonde, où l’on trouve la citation attribuée à Rolland Bédard, lui a même remis un prix en 1945 en tant que comédien, chanteur et réalisateur (v. Radiomonde, 1er décembre 1945, p. 13; R. Bédard et A. Boulanger, Rolland Bédard, comédien, 1984, p. 72‑73, 126, 135 et 147; R. Legris, Dictionnaire des auteurs du radio-feuilleton québécois, 1981, p. 38, 161 et 164).
II1Depuis 1905 (FSPFC). 2Depuis 1845. Sans doute héritage des parlers de France; cp. s’accorder v. pron. « bien danser en mesure » en tourangeau (v. FEW *accordare 24, 83b). Accorder « marquer, suivre le rythme d’un travail collectif qui s’accomplit en cadence » (depuis 1892) a été relevé dans les parlers du Nord-Ouest (FEW id.); cp. en outre accorder « agir ensemble, de concert (en parlant de rameurs) », attesté comme verbe transitif dans EncSuppl 1776 et comme verbe pronominal dans Laveaux 1828, Besch 1847‑1892 et Quillet 1937‑1974.
III1Depuis 1691. Attesté en français de France depuis le XIIIe s., mais sorti de l’usage avant le début du XXe (v. FEW *accordare 24, 83b, EncXXe « autrefois » et Robert 1985 « vieux »); signalé en créole seychellois (v. D’OffSeych, s.v. akord). 2Depuis 1830.