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ABOITEAU [abwato]
n. m.

Rem.

1. Variantes graphiques : abboiteauaboîteauabouéteau. 2. Variante ancienne : aboteau, abboteau.

  

En Acadie et dans certaines régions du Bas-Saint-Laurent, digue dressée en bordure de la mer (ou d’une rivière soumise aux variations du niveau de ses eaux) qui, par le moyen d’une vanne à clapet, permet d’assécher les terres marécageuses du littoral en vue de les rendre propres à la culture.

1907, M.O. Hammond, Aboiteau à Grand-Pré, Nouvelle-Écosse [photo], Wikimedia Commons. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Aboiteau_Grand-Pr%C3%A9.jpg

 Vanne à clapet dont cette digue est pourvue.

Rem.Terme recommandé par l’OQLF (voir OLF‑AVIS4, no 7).

Il seroit aussy bon de les obliger au défrichement des terres hautes. La plupart des habitans comme au Port Royal, aux Mines, ne s’amusant qu’à faire des levées dans des marais où ils sèment leur bled, ce qui leur porte beaucoup de préjudice par plusieurs raisons, dont la première est que le bled qu’ils sèment dans leurs marais est d’un grain très petit qui rend à moitié son, et quy ne conserve pas; que les marées bien souvent crèvent leurs aboteaux et innondent [sic] leurs terres, qui ne produisent plus de quelque année quand elles ont esté abreuvées d’eau salée [...]. 1687, J. de Gargas, dans L. Zibara, Deux récits de voyage en Nouvelle-France au dix-septième siècle, 1982, p. 112.

Notre Ferme [de l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière] est divisée naturellement en deux grandes parties bien distinctes […]. Toute cette partie [nord] est une excellente terre fourragère, moins 34 arpents de qualité encore médiocre. Ces 34 arpents ont été formés par les relais du fleuve et préservées [sic] contre les hautes marées par de très-fortes digues de terre appelées aboiteaux dans nos localités. 1877, N. Proulx, Gazette des campagnes, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 27 septembre, p. 300.

Au pied du Blomidon, la mer se déroule en un bassin presque circulaire. [...] Vers le sud et vers l’est, les yeux passent du bleu au vert, insensiblement toutefois, comme si l’espace conquis par les aboîteaux avait gardé quelque chose de la couleur de la mer. 1932, A. de Lestres, Au cap Blomidon, p. 180‑181.

Vous trouverez au bord des rivières, à Grand-Digue, par exemple, des aboiteaux longs et bas, construits pour affronter les hausses printanières des petits courants d’eau; et en bordure d’océan, comme à Grand‑Pré, des aboiteaux courts et hauts, pour faire face aux grandes marées. 1973, A. Maillet et R. Scalabrini, L’Acadie pour quasiment rien, p. 54.

[...] il ressort des observations faites par les agriculteurs dont les champs voisinent les battures retournées en marais, par suite de la détérioration des aboiteaux et surtout des clapets de bois remontant parfois jusqu’à 30 années, que ces digues n’ont pas été nuisibles aux oiseaux migrateurs. 1980, Le Soleil, Québec, 28 avril, p. A4.

Ces aboiteaux ont été construits entre 1860 et 1985 pour récupérer des terres agricoles sur les marais côtiers et pour protéger certaines infrastructures. Ces installations ont modifié la dynamique écologique côtière. En stoppant les vagues et en contrôlant la montée des eaux, ces structures modifient la dynamique sédimentaire et l’écosystème des marais côtiers. 2009, C. Quintin, M. Lajoie et S. Plante, Des rivières à la mer, p. 1-8.

Étendue de terre asséchée au moyen de cette digue. (J.‑Cl. Dupont, Héritage d’Acadie, 1977, p. 337).

 (Variante). Apoteau. (GPFC et MassÎG 101).

NOTICE ENCYCLOPÉDIQUE

Typique du paysage acadien, la digue appelée aboiteau consiste en une levée de terre battue puis consolidée de divers matériaux (troncs d’arbres, roches, mottes d’herbe); elle est plus ou moins longue et profonde selon la configuration des lieux et la puissance des eaux à contenir. Destinée avant tout à assécher les terres marécageuses du littoral en vue de les rendre propres à la culture, cette digue est pourvue d’une vanne qui est elle-même munie d’un mécanisme commandant un clapet qui s’ouvre à marée basse (ce qui permet à l’eau des terres de s’écouler grâce à des canaux spécialement aménagés à cet effet) et se ferme à marée haute (ce qui empêche l’eau d’envahir les terres). La technique de construction des aboiteaux a été apportée en Acadie au XVIIe s. par les colons venus de l’Ouest de la France (voir Histoire), région où on la pratiquait déjà depuis le XIe s., notamment dans le Marais poitevin. De l’Acadie, cette technique est passée non seulement au Québec (où elle a été mise à profit dans la région du Bas-du-Fleuve, à Kamouraska p. ex.), mais aussi en Louisiane (on y trouve en effet des aboiteaux le long du Mississippi). 

Sources : M. Barbeau (1942), Maîtres artisans de chez-nous, p. 104; Les Cahiers de la Société historique acadienne (1988), vol. 19, nos 1‑2; Y. Cormier (1990), Les aboiteaux en Acadie; J.‑Cl. Dupont (1972, décembre), Les défricheurs d’eau, Culture vivante, p. 6‑9; G. Gourde (1980), Les aboiteaux, comté de Kamouraska; R. C. Harris (dir.) (1987), Atlas historique du Canada, t. 1, pl. 29.

Histoire

De l’ancien français bot « chaussée; digue, bord surélevé d’un canal », lui-même issu d’un germanique *bǔtt (v. FEW 152, 45a). Depuis 1687 sous la forme aboteau, depuis le milieu du XVIIIe s. sous la forme aboiteau (d’après Mass no 628). Hérité des parlers de l’Ouest de la France où il est bien attesté comme terme désignant divers types de barrages et de vannes (v. FEW id.; v. aussi MussSaint, s.v. abota; MeyAun, s.v. aboteau; GachPoit, s.v. abotais; ALF 440, pt 512 [abɔto]; FénAgr2; TLF, s.v. aboteau). En France, on trouve surtout la forme aboteau; aboiteau, selon Wartburg, pourrait avoir subi l’influence du mot bois (v. FEW id., 46b, n. 30). Le mot est attesté depuis 1825 dans des textes anglais de la région des Maritimes (v. DictCan).

Dernière révision : janvier 2021
Trésor de la langue française au Québec. (2021). Aboiteau. Dictionnaire historique du français québécois (2e éd. rev. et augm.; R. Vézina et C. Poirier, dir.). Université Laval. Consulté le 18 avril 2024.
https://www.dhfq.org/article/aboiteau